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Afghanes, ne renonçons pas !

Je suis déçue par le reportage « Mariages forcés. Etre une fille sous les talibans » de Sara Daniel paru dans l’Obs cette semaine et je trouve ses conclusions très inquiétantes. Je ressens jusqu’au plus profond de mon être les souffrance vécues par ces petites filles vendues pour un mariage précoce et forcé, si mal défendues par les conclusions de ce reportage. J’avais lu de beaux reportage de l’auteure et je m’attendais à autre chose. Ces derniers temps, j’ai pu voir ça et là des propos similaires, c’est pour cela que je m’oppose à de telles conclusions qui je l’espère, ne se propageront pas dans l’opinion publique. La compassion (tout au moins compréhension) pour/envers les bourreaux est à la mode, cette conclusion n’est pas isolée. Des ONG, notamment vont dans ce sens. Des avocats des droits humains ne prennent pas toujours fait et cause pour les victimes quand ce sont des filles ou des femmes, bien loin de là. Les pères qui vendent ces fillettes, aussi désespérés soient-ils, sont leur bourreaux, tout autant que les hommes qui les achètent et les violent à peine pubère, en font leurs esclaves sexuelles et domestiques et les mettent enceintes bien trop jeunes. Ils font partie du problème, ils sont le problème. Traditions, traduisez débrouilles patriarcales. Nous ne devons pas nous habituer au sort des filles et femmes d’Afghanistan, encore moins comprendre que le pire sort imaginable, leur soit réservé.

Comme d’autres reportages que j’ai pu lire de l’auteure, c’est bien écrit, décrit, étayé … mais des manques, biais et la conclusion laissent un gout amer. Le récit est dur forcément, il faut se rendre à l’évidence, ce peuple au bord du gouffre, souffre de manière quasiment indicible et pourtant très bien retranscrite ici.

Je le sais, c’est plus facile à des milliers de kilomètres, d’avoir un avis tranché sur la question, mais c’est un peu comme si la manière d’appréhender les filles dans ce pays et de s’en servir (dans tous les sens du verbe) avait fini par imprégner la journaliste qui comprend cette fatalité jusqu’à écrire dans sa toute dernière phrase  » Rien n’est simple au pays des mariages d’enfants, et je comprends, impuissante devant l’immense détresse de ses gens, qu’il est le dernier espoir des déshérités de Shahrak-e-Sabz. « 

Comment une journaliste occidentale peut-elle admettre que vendre des petites filles soit le seul espoir d’un peuple ? Espoir de quoi ? D’avoir atteint le fond et pourtant essayer de creuser toujours plus profond ? La situation est telle dans le pays, peut-être aura t-elle été découragée ?

Nous apprenons dans la première partie de ce reportage que les trois quarts des afghans souhaitent quitter le pays, c’est immense, plus qu’une large majorité, et dans ce cas, on se demande tout de même pourquoi ils ne se s’organisent pas en vue de se révolter, ne serait-ce que pour empêcher le terrible sort fait à leurs filles, soeurs, femmes … Cette première partie finit sur la fatalité du mariage pour les femmes, hors mariage, hétérosexuel s’entend, pas de salut, une afghane se marie ou n’existe plus. Et celles qui ne le veulent ou ne peuvent pas ? Rien, pas un mot. La compassion n’est pas pour tout le monde. Mais bon, plutôt banal pourrait-on me rétorquer. C’est la seconde partie sur les petites filles vendues et mariées, dés qu’elles ont quelques mois pour certaines, qui me heurte. Le sort de ces fillettes est horrible, il est très bien décrit dans le reportage sur ce point irréprochable. Ce qui me dérange c’est ce qui manque. Quand la reporter explique qu’une petite fille vendue reste ( le plus souvent) dans sa famille jusqu’à la puberté puis rejoindra son propriétaire, cela veut dire qu’à l’âge de 10, 11 ans des petites filles sont violées et que les parents, disons plutôt les pères qui les vendent, comme tout afghan, le sait. Ne pas le dire clairement, me glace.

Dans les contrées reculées, très pauvres, recourir « au moyen traditionnel pour s’acquitter d’une aide », c’est à dire vendre sa petite fille, redevient malgré l’interdiction des talibans (de pure forme), une pratique généralisée. Les traditions sont de tous temps et dans tous les pays les vecteurs les plus efficaces de l’oppression des femmes. S’il en fallait la preuve … La reporter ne commente pas le fait que se sont les filles qui sont vendues, uniquement les filles, pas les garçons ; leur sort n’est pas forcément plus enviable mais c’est différent et ce n’est pas leur intégrité qui est violée. Les garçons ce serait un scandale, pourquoi, parce que les filles sont des marchandises dont on dispose à sa guise. Elles sont vendues, mariées, violées pour nourrir qui au juste ? C’est qui la famille à nourrir ? Surtout le père, les frères … toutes les filles, elles, sont vendues et ont payé d’avance leur nourriture. La mère n’a pas son mot à dire.

Ce qui est bien décrit ce sont les risque encourus par ces petites filles lors des grossesses précoces : « accouchements compliqués, violences conjugales, familiales … » et bien sur toute stérilité vaut répudiation. Mais là encore, il n’est jamais fait état des violences sexuelles. Il est donc banal et dans l’ordre des choses pour une enfant d’être pénétrée par un homme adulte ? Ecrire : « Depuis elle est stérile, ce qui peut avoir des conséquences … dans cette région qui n’est jamais clémente pour les femmes ». « Clémente » ? Non, ce n’est pas le mot qui convient, cette région est tout simplement un enfer pour les femmes.

L’horreur de ce que vivent ces enfants vendues pour être mariées dès leur plus jeune âge, devrait conduire tout être humain digne de ce nom à se révolter et non à revenir ou maintenir des traditions misogynes ni contourner la loi, car cette pratique est interdite en Afghanistan. Essayer de les comprendre, l’admettre, ce n’est en aucune aider ces fillettes, c’est se coucher devant la fatalité et ce que le patriarcat produit de pire dans ce monde.

Quand je vois la photo de ce père qui tient par devant lui, sa fillette vendue et qu’il voue à être violée et re-violée et peut-être en mourir en couche, je ne ressens aucune compassion pour lui, qu’il aille vendre des ordures au Pakistan ou je ne sais où mais qu’il laisse sa fille tranquille. Et pour finir, les reporters face aux malades qui vivent un cauchemar sans nom, interviennent pour adoucir les souffrances d’un homme qui a vendu sa fille, puisque dans ce village, ils ont tous vendu leur fille, et qu’elles emmènent à l’hôpital. Un homme, pas une femme ou un enfant. Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? On ne saura pas, de toute façon, cela ressemble à vider un océan à la petite cuillère … Mais ce n’est pas le plus dérangeant, loin de là. Le coup de grâce, c’est cette dernière phrase : « Rien n’est simple au pays des mariages d’enfants, et je comprends, impuissante devant l’immense détresse de ses gens, qu’il est le dernier espoir des déshérités de Shahrak-e-Sabz. » Impuissante, oui bien sûr, incontestablement. Mais comprendre que le mariage forcé et précoce des fillettes serait  » le dernier espoir face à la détresse des gens » ! Au secours !

Les fillettes afghanes ne liront heureusement pas ce reportage pourtant très beau par bien des aspects, mais auquel manque selon moi une analyse, perspective et conviction féministes. C’est préjudiciable, parce qu’un humanisme sans un regard féminisme universaliste, c’est-à-dire qui n’admet jamais le sort terrible fait aux filles et aux femmes, c’est quoi ? Un relativisme culturel, ni plus, ni moins. C’est l’Obs pourrait-on encore me rétorquer. Certes.

Pourtant, il faut le répéter encore et encore, jamais, nulle part, rien ne peut justifier de vendre pour la marier une petite fille. On se laisse mourir ou on se révolte. Sortir des hommes de la détresse, à ce prix-là, moi je m’en fiche. Hors de question d’accepter que leur sacrifice à elles, puisse constituer une solution ou un espoir, et il ne faudrait pas qu’une telle croyance se répande dans l’opinion publique. Comprendre, admettre que des fillettes soient sacrifiées, l’accepter, même pour la survie du plus grand nombre et disons-le clairement, des hommes, c’est renoncer à les défendre, c’est sceller leur terrible sort. Le prix est bien trop élevé, c’est celui du viol et de l’esclavage de milliers de fillettes. Le seul et dernier espoir des afghans, c’est de se révolter et de renverser ceux qui les oppriment et sinon, qu’ils meurent mais qu’ils laissent leur fillettes en paix.

Elles, méritent notre engagement, pas notre renonciation et il vaut mieux que les reporters qui couvrent ces sujets aient une boussole féministe universaliste en bon état de marche dans la tête.Les Afghans n’ont qu’à se prendre en mains et se bâtir un avenir, ils en sont parfaitement capables s’ils le veulent.

Christine Le Doaré

« Mariages forcés. Etre une fille sous les talibans » Sara Daniel L’Obs https://www.nouvelobs.com/monde/20220803.OBS61651/comme-vivre-dans-une-prison-aux-1001-regles-etre-une-fille-sous-les-talibans.html

Pour un 8 mars féministe, non à la guerre en Ukraine !

L’armée ukrainienne est composée à 17% de femmes, Iryna Tsvila a été tuée dans la bataille de Kiev
alors qu’elle tentait de freiner l’avancée des chars russes.

Bientôt le 8 mars 2022, Journée Internationale de lutte pour les droits des femmes. Dans le contexte de guerre en Ukraine, cette journée prend une tournure toute particulière.

Tout d’abord, rappelons que le 8 mars c’est toute l’année. Sur le terrain, dans les entreprises, administrations, ministères et partout, des militantes oeuvrent toute l’année pour l’émancipation des femmes et l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Le 8 mars c’est seulement la journée pour tirer des bilans et mettre nos luttes en lumière et en perspective. Où en sommes-nous en France et partout dans le monde ? Que reste-t-il à accomplir ? Quelles sont les priorités ?

En tant que féministes, la priorité des priorités cette année, c’est selon moi, d’unir nos voix pour mettre un terme à la guerre en Ukraine que Poutine vient d’envahir. L’autocrate viriliste, mégalomaniaque et paranoïaque, est conscient que son pays est en déclin (pouvoir d’achat environ à la soixantième place mondiale), alors pour se maintenir au pouvoir, il entraîne toute sa population dans une chimérique reconquête de l’URSS et tant qu’il y est, de la grande Russie tsariste. Poutine est allé jusqu’à mettre la force dissuasive russe, c’est-à-dire nucléaire, en alerte. C’est dire sa détermination et le niveau de sa belliqueuse démence.

Beaucoup d’Ukrainiennes et Ukrainiens ont fait le choix de rester et de résister, à l’instar de leur président. Leur courage force le respect. Désormais la terreur s’abat sur eux et il est à craindre que les femmes soient victimes d’exactions et de violences sexuelles, comme c’est le cas dans toute guerre.  L’armée russe, mais aussi l’armée du Tchétchène Kadyrov, la Force Wagner milice de moins en moins secrète au service des basses œuvres du Kremlin, sont à la manoeuvre. L’armée ukrainienne est composée à dix-huit pour cent de femmes. Des femmes vont donc aussi mourir en défendant leur pays.

Heureusement, l’Europe a présenté un front uni comme jamais, de lourdes sanctions économiques pèsent sur la Russie, des armes ont été financées et livrées, une aide humanitaire et une assistance aux réfugiés ont été mis en œuvre, des médias russes ont été interdits … En compromettant la paix et la stabilité de l’Europe, Poutine a provoqué une prise de conscience des principaux pays européens : l’Union n’a pas d’autres choix que de devenir puissante sous peine d’être réduite au silence par de superpuissances mégalomaniaques. Des pays de l’est ont même demandé à rejoindre l’OTAN qui était quasi moribonde.

Même en Russie, des opposants ont réussi à faire entendre leurs voix avec une lettre ouverte de scientifiques, des manifestations dans les grandes villes, des démissions en série dans les milieux culturels et intellectuels. Les féministes ne sont pas en reste et la résistance féministe anti-guerre s’organise en Russie : plus de cinq mille activistes sont réuni.es dans une chaîne tg et ont établi un Manifeste. Ces groupes participent aux manifestations d’opposition à la guerre à Moscou, Saint-Pétersbourg, Novosibirsk et Kazan. Elles bravent un régime totalitaire, les féministes françaises doivent être à leurs côtés.  

Des soutiens, l’autocrate n’en manque pourtant pas, d’autres pays de l’Est se sont alignés comme la Biélorussie par exemple. Et même en France, à droite comme à gauche, nombreux sont ceux qui ne cillent pas devant une Russie qui vise délibérément des civils Ukrainiens, envoie sa police arrêter les opposants russes à la guerre, musèle les médias de son pays, et dont les services secrets mènent une cyberguerre à nos démocraties. Ceci devrait nous inciter à comprendre que s’attaquer aux seuls identitaires, comme le font le plus souvent les universalistes, est insuffisant, les souverainistes aussi représentent un sérieux danger.

A l’occasion du 8 mars, sont proposés désormais tout un tas d’évènements plus ou moins convaincants. A Paris, est prévue une manifestation dont nous ne savons pas grand-chose si ce n’est qu’elle a le soutien de partis et syndicats d’extrême-gauche. Une grève est également organisée. En tant que féministe universaliste je ne suis pas certaine de me retrouver dans ces mobilisations. Quel peut bien être le sens d’appeler les femmes à une grève pour :

  • « Affirmer notre solidarité avec les femmes du monde entier » ? Une solidarité ça s’exerce, pas besoin d’une grève !
  •  « L’allongement des délais pour l’IVG » alors qu’ils viennent juste d’être allongés ?
  • « Lutter contre les violences sexistes et sexuelles ; l’égalité salariale et professionnelle », sans même faire le point sur les dernières mesures adoptées, les évaluer … pour revendiquer des mesures précises ?

« Ne nous libérez pas on s’en charge », mais faire grève pour exiger d’être libérées ? J’ai du mal à suivre cette logique pétrie de contradictions. Bien entendu en tant que féministes, le 8 mars, il nous faut continuer d’agir pour l’émancipation et l’égalité en France. Tout n’est pas gagné pour les femmes en occident loin de là. Dans bien des domaines, il faut continuer de se battre : santé, travail, etc. et surtout, le harcèlement de rue, les agressions, les violences sexistes et sexuelles qui sont toujours massives.

Mais pour ce 8 mars 2022, la priorité des féministes devrait être selon de moi de soutenir les Ukrainiennes et Ukrainiens plongé.es en pleine tourmente, et surtout tenter de prévenir toute violence à l’encontre des femmes Ukrainiennes. A court terme, nous devrions aussi nous engager pour un renforcement de l’Europe qui seule pourra nous protéger de tels conflits à l’avenir.

Au plan des droits des femmes, nous devons soutenir les initiatives de solidarité internationale envers les femmes qui dans nombre de pays subissent des discriminations et des violences inacceptables, au premier chef les Afghanes que ce nouveau front Ukrainien, ne doit pas nous faire oublier. Une action d’envergure est prévue à Bruxelles pour soutenir les femmes afghanes.

Nous devons également intensifier nos efforts contre tous les intégrismes, dont l’islamisme qui dans une logique séparatiste et communautaire fait peser sur des femmes musulmanes des diktats sexistes aux conséquences dramatiques. Bien sûr le voilement, l’enfermement communautaire, les mariages forcés, et les violences exercées sur les jeunes filles dans les quartiers, comme vient de nous le rappeler le jugement par trop clément des agresseurs sexuels de Shaïna, retrouvée morte, poignardée puis brûlée vive.

Ce n’est pas le travail qui manque. Je ne suis pas de ceux qui accusent les féministes de ne pas en faire assez, comme sont si prompts à le faire ce qui ne font rien en matière de droits des femmes, mais le mouvement mainstream devra se recentrer et établir des priorités pour venir à bout des pires violences contre les femmes.

8 mars 2022 NON A LA GUERRE EN UKRAINE !

Force et courage aux féministes universalistes.

Christine Le Doaré

Photo : L’armée ukrainienne est composée à 17% de femmes, Iryna Tsvila a été tuée dans la bataille de Kiev alors qu’elle tentait de freiner l’avancée des chars russes.

Les féministes russes mobilisées :

https://jacobinmag.com/2022/02/russian-feminist-antiwar-resistance-ukraine-putin?fbclid=IwAR1wvHEJqQsh_isdhxeA0sagEH4sFlfyTLdM02GCXqbA7_ETiNQeM4dGa3I

Les féministes russes mobilisé.e.s

Néo-féministes et universalistes, ensemble avec les Afghanes !

Néo quoi ? Néo-féministes ! Ça existe ça ? Mais oui, parce que néo, ça veut tout simplement dire nouveau ; par exemple, une école, une tendance qui se situerait dans une continuité mais de manière différente. L’expression est parfois utilisée de façon péjorative, une continuité certes, mais avec une touche de trahison. Quand on parle de néo-féminisme, on pense surtout aux « nouveaux-féminismes ». On pourrait aussi dire féminismes relativistes, intersectionnels, inclusifs, par opposition au féminisme universaliste. Je les trouve emprunts de relativisme culturel et enclins à nouer des alliances avec des groupes qui n’ont de féminisme que le nom. Trop souvent victimaires et justiciers, ils donnent dans la facilité en surfant sur l’émotion et font l’économie de l’analyse.

Néanmoins, les tendances néo-féministes telles que #NousToutes et d’autres (#payetonutérus #Balancetonporc …) ont leur utilité et nombre d’associations qui s’en revendiquent font un travail utile au quotidien, sur le Net mais aussi sur le terrain. Au sein du mouvement féministe, il est possible d’avoir des désaccords, des débats idéologiques et politiques et néanmoins de se retrouver sur des luttes qui nous occupent toutes. Aussi ne faut-il pas tout confondre. Par exemple, on peut condamner au nom de l’universalisme, des groupes ou personnalités qui se prétendent féministes mais ne sont qu’impostures : « féminismes » musulman, anticolonial, indigéniste, ou identitaire ; mais plus difficilement #NousToutes et bien d’autres groupes néo-féministes, et même quand ils sont marqués par ce fichu islamo-gauchisme, car ils le sont.  

Les féministes universalistes ont en tête un objectif : l’émancipation de toutes les femmes. Et pour y parvenir, moins nous perdons de forces vives et mieux ça vaut. Se couper de toutes les militantes néo n’est certainement pas le meilleur moyen d’atteindre l’objectif ! Aussi, et n’en déplaise aux universalistes qui bien souvent ne connaissent l’Histoire, les courants et clivages du Mouvement des femmes, que de très loin, lire dans la presse et sur les réseaux sociaux que les néo-féministes étaient aux abonnées absentes pour soutenir les femmes afghanes, était-il très malvenu.

Quelle cacophonie ! Tout d’un coup, tous animés d’une grande conscience féministe, enfin surtout pour rendre, les féministes responsables de tout  ! Les militantes féministes ne se battent pas que sur les réseaux sociaux, elles sont aussi investies au quotidien, sur le terrain, dans de nombreuses actions et auprès de nombreuses femmes. Le féminisme ne consiste pas uniquement à condamner l’obscurantisme religieux, le fondamentalisme musulman, même si à l’évidence, c’est un de ses combats prioritaires et de toujours, en tous cas pour les universalistes. En outre, au cœur du mois d’août il arrive aussi qu’elles prennent des vacances ; tout juste s’il ne leur était pas reproché que les talibans eux, s’en soient passés ! Aucun autre mouvement, syndicat, parti, association n’organisait de manifestation de soutien mais il fallait absolument taper sur les féministes. Ça interpelle sérieusement.

Et puis surtout, c’était faux. Totalement faux.

Nous pouvons les accuser de bien des maux, victimaires, sectaires, et puis le relativisme culturel, et puis ces alliances intersectionnelles dangereuses … mais pas d’accepter en silence le sort des femmes reléguées dans leur maison, effacées de l’espace public, mises en grand danger en Afghanistan :

  • #NousToutes le 15 août à 17h19 a tweeté : « Soutien aux afghanes face à l’obscurantisme et à la haine des femmes. #AfghanWomen avec un article de Yalda Hakim BBC.COM « Craignant les talibans, les jeunes femmes de Kaboul, appellent à l’aide. »
  • Une seconde pétition a déjà recueilli plus de 6000 signatures – Urgences Afghanes : « Nous, féministes et femmes de tous les genres, de toutes les divergences, de toutes les écoles, de toutes les sphères sociales et politiques, affirme-t-elle en préambule, nous décidons aujourd’hui d’enterrer la hache de guerre et la géopolitique et de faire front dans un seul objectif : la vie et la liberté pour les Afghanes, l’ouverture de nos frontières et l’accueil inconditionnel de nos sœurs et de leurs familles. »
  • Plusieurs associations, certes non mainstream pour l’instant, ont programmé des manifestations
  • Même Fatima Benomar des Effrontées, proche des groupes relativistes, indigénistes, et prompte à attaquer frontalement les féministes universalistes, s’était fendue d’un article sur son blog.

Bien sûr il y a eu cet article de Rachel Khan au titre pour le moins boueux « On tue à Kaboul et les néo-féministes se taisent » (sic – rien que ça  !), défendu par toute la tribu laïque (à laquelle j’appartiens aussi). C’est dommage parce que cela arrive à tout le monde de se planter, en revanche, ne pas le comprendre et persister, encouragée par celles et ceux qui n’ont manifestement pas plus d’éléments d’information et de connaissance pour éclairer la question, c’est assez décevant.  
Je ne suis pas convaincue que certaines postures universalistes soient utiles à l’émancipation des femmes.
Nous avons déjà fort à faire avec les « nouveaux féminismes », impostures intersectionnelles, relativistes, racialistes, indigénistes, woke.

Et puis ces listes de noms dont les comptes Twitter et Facebook ont été épluchés pour voir si elles avaient réagi ou non. Des listes qui prouvent au moins que leurs auteurs ne connaissent vraiment pas grand-chose aux mouvements féministes.  

  • Caroline De Haas, qui pourtant et comme chacun.e le sait n’est pas étrangère à #NousToutes
  • F. Floresti, C. Masiero, A. Haenel, C.Taubira … Pardon, mais là, énorme fou-rire … Les grandes penseuses et théoriciennes du féminisme que voici ! Non, ces femmes sont libres, émancipées, ont une parole féministe, mais ce ne sont pas des porte-paroles ni même des militantes féministes. Le grand public peut le croire, pas ceux qui ont dressé ces listes.
  • Rokhaya Diallo, qui n’est pas une féministe mais une indigéniste
  • … et d’autres citées non plus.

Alors certes, les néo-féministes qui ont réagi en profitent au passage pour taper sur le gouvernement et ne se privent pas d’assener, parfois en toute contradiction, leur daube islamo-gauchisme. Et, ce n’est pas non plus un mouvement de fond et d’ailleurs, qui se prononcerait contre un soutien aux femmes Afghanes ? Mais toute initiative allant en ce sens est à saluer, certainement pas ignorer. En revanche, porter des accusations infondées contre elles, à part régler des comptes et saisir une occasion de se montrer dans les médias, ne risquait pas de susciter un mouvement général de mobilisation dans l’intérêt des femmes afghanes. Pour les femmes Afghanes,  il était beaucoup plus intelligent et constructif de fédérer, au moins ne pas se perdre en affirmations erronées et faciles à contrer. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Pour parler au nom du féminisme et des féministes universalistes, il y a des préalables, comme au minimum se mettre d’accord avec d’autres sur la définition du terme néo-féminisme et avoir un minimum d’informations sur l’Histoire et les clivages au sein des mouvements féministes. On peut parfaitement être une femme émancipée et libre, sans avoir de bases théoriques féministes ni avoir milité ou peu et de très loin, dans le mouvement des femmes. On peut donner son avis, témoigner de son point de vue, mais s’improviser porte-paroles, c’est plus compliqué. Et c’est vrai pour tout le monde d’ailleurs. Enfin, si je peux me permettre – et oui, je vais le faire – de donner un conseil aux laïques, républicains, etc. dont la fibre féministe est appréciable et appréciée, plutôt que de vous immiscer dans le débat entre féministes, avez-vous songé que vous pourriez consacrer vôtre énergie à convaincre d’autres hommes à avancer eux aussi vers l’égalité réelle ?  Comme ça, nous avancerons toutes et tous plus vite.

Donc les féministes sont capables de mettre un temps leurs clivages de côté, et se mobiliser pour des femmes en grand danger, même s’il n’y a pas non plus de quoi pavoiser, c’est tout de même un minimum quand on se revendique du féminisme. ll se pourrait même que des intersectionnelles, confrontées aux menaces et violences faites aux femmes afghanes, touchent du doigt leurs contradictions, relèguent leur islamo-gauchisme au placard et comprennent tout l’intérêt du féminisme universaliste.

Mais l’urgence est bel et bien de nous concentrer toutes et tous sur les femmes afghanes et de leur venir en aide, ainsi d’ailleurs qu’à toutes les femmes qui vivent sous la charia et subissent dans bien d’autres régions du monde, des violences toutes aussi abjectes, ne les oublions pas non plus.

Christine Le Doaré


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