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Afghanes, ne renonçons pas !

Je suis déçue par le reportage « Mariages forcés. Etre une fille sous les talibans » de Sara Daniel paru dans l’Obs cette semaine et je trouve ses conclusions très inquiétantes. Je ressens jusqu’au plus profond de mon être les souffrance vécues par ces petites filles vendues pour un mariage précoce et forcé, si mal défendues par les conclusions de ce reportage. J’avais lu de beaux reportage de l’auteure et je m’attendais à autre chose. Ces derniers temps, j’ai pu voir ça et là des propos similaires, c’est pour cela que je m’oppose à de telles conclusions qui je l’espère, ne se propageront pas dans l’opinion publique. La compassion (tout au moins compréhension) pour/envers les bourreaux est à la mode, cette conclusion n’est pas isolée. Des ONG, notamment vont dans ce sens. Des avocats des droits humains ne prennent pas toujours fait et cause pour les victimes quand ce sont des filles ou des femmes, bien loin de là. Les pères qui vendent ces fillettes, aussi désespérés soient-ils, sont leur bourreaux, tout autant que les hommes qui les achètent et les violent à peine pubère, en font leurs esclaves sexuelles et domestiques et les mettent enceintes bien trop jeunes. Ils font partie du problème, ils sont le problème. Traditions, traduisez débrouilles patriarcales. Nous ne devons pas nous habituer au sort des filles et femmes d’Afghanistan, encore moins comprendre que le pire sort imaginable, leur soit réservé.

Comme d’autres reportages que j’ai pu lire de l’auteure, c’est bien écrit, décrit, étayé … mais des manques, biais et la conclusion laissent un gout amer. Le récit est dur forcément, il faut se rendre à l’évidence, ce peuple au bord du gouffre, souffre de manière quasiment indicible et pourtant très bien retranscrite ici.

Je le sais, c’est plus facile à des milliers de kilomètres, d’avoir un avis tranché sur la question, mais c’est un peu comme si la manière d’appréhender les filles dans ce pays et de s’en servir (dans tous les sens du verbe) avait fini par imprégner la journaliste qui comprend cette fatalité jusqu’à écrire dans sa toute dernière phrase  » Rien n’est simple au pays des mariages d’enfants, et je comprends, impuissante devant l’immense détresse de ses gens, qu’il est le dernier espoir des déshérités de Shahrak-e-Sabz. « 

Comment une journaliste occidentale peut-elle admettre que vendre des petites filles soit le seul espoir d’un peuple ? Espoir de quoi ? D’avoir atteint le fond et pourtant essayer de creuser toujours plus profond ? La situation est telle dans le pays, peut-être aura t-elle été découragée ?

Nous apprenons dans la première partie de ce reportage que les trois quarts des afghans souhaitent quitter le pays, c’est immense, plus qu’une large majorité, et dans ce cas, on se demande tout de même pourquoi ils ne se s’organisent pas en vue de se révolter, ne serait-ce que pour empêcher le terrible sort fait à leurs filles, soeurs, femmes … Cette première partie finit sur la fatalité du mariage pour les femmes, hors mariage, hétérosexuel s’entend, pas de salut, une afghane se marie ou n’existe plus. Et celles qui ne le veulent ou ne peuvent pas ? Rien, pas un mot. La compassion n’est pas pour tout le monde. Mais bon, plutôt banal pourrait-on me rétorquer. C’est la seconde partie sur les petites filles vendues et mariées, dés qu’elles ont quelques mois pour certaines, qui me heurte. Le sort de ces fillettes est horrible, il est très bien décrit dans le reportage sur ce point irréprochable. Ce qui me dérange c’est ce qui manque. Quand la reporter explique qu’une petite fille vendue reste ( le plus souvent) dans sa famille jusqu’à la puberté puis rejoindra son propriétaire, cela veut dire qu’à l’âge de 10, 11 ans des petites filles sont violées et que les parents, disons plutôt les pères qui les vendent, comme tout afghan, le sait. Ne pas le dire clairement, me glace.

Dans les contrées reculées, très pauvres, recourir « au moyen traditionnel pour s’acquitter d’une aide », c’est à dire vendre sa petite fille, redevient malgré l’interdiction des talibans (de pure forme), une pratique généralisée. Les traditions sont de tous temps et dans tous les pays les vecteurs les plus efficaces de l’oppression des femmes. S’il en fallait la preuve … La reporter ne commente pas le fait que se sont les filles qui sont vendues, uniquement les filles, pas les garçons ; leur sort n’est pas forcément plus enviable mais c’est différent et ce n’est pas leur intégrité qui est violée. Les garçons ce serait un scandale, pourquoi, parce que les filles sont des marchandises dont on dispose à sa guise. Elles sont vendues, mariées, violées pour nourrir qui au juste ? C’est qui la famille à nourrir ? Surtout le père, les frères … toutes les filles, elles, sont vendues et ont payé d’avance leur nourriture. La mère n’a pas son mot à dire.

Ce qui est bien décrit ce sont les risque encourus par ces petites filles lors des grossesses précoces : « accouchements compliqués, violences conjugales, familiales … » et bien sur toute stérilité vaut répudiation. Mais là encore, il n’est jamais fait état des violences sexuelles. Il est donc banal et dans l’ordre des choses pour une enfant d’être pénétrée par un homme adulte ? Ecrire : « Depuis elle est stérile, ce qui peut avoir des conséquences … dans cette région qui n’est jamais clémente pour les femmes ». « Clémente » ? Non, ce n’est pas le mot qui convient, cette région est tout simplement un enfer pour les femmes.

L’horreur de ce que vivent ces enfants vendues pour être mariées dès leur plus jeune âge, devrait conduire tout être humain digne de ce nom à se révolter et non à revenir ou maintenir des traditions misogynes ni contourner la loi, car cette pratique est interdite en Afghanistan. Essayer de les comprendre, l’admettre, ce n’est en aucune aider ces fillettes, c’est se coucher devant la fatalité et ce que le patriarcat produit de pire dans ce monde.

Quand je vois la photo de ce père qui tient par devant lui, sa fillette vendue et qu’il voue à être violée et re-violée et peut-être en mourir en couche, je ne ressens aucune compassion pour lui, qu’il aille vendre des ordures au Pakistan ou je ne sais où mais qu’il laisse sa fille tranquille. Et pour finir, les reporters face aux malades qui vivent un cauchemar sans nom, interviennent pour adoucir les souffrances d’un homme qui a vendu sa fille, puisque dans ce village, ils ont tous vendu leur fille, et qu’elles emmènent à l’hôpital. Un homme, pas une femme ou un enfant. Pourquoi lui plutôt qu’un autre ? On ne saura pas, de toute façon, cela ressemble à vider un océan à la petite cuillère … Mais ce n’est pas le plus dérangeant, loin de là. Le coup de grâce, c’est cette dernière phrase : « Rien n’est simple au pays des mariages d’enfants, et je comprends, impuissante devant l’immense détresse de ses gens, qu’il est le dernier espoir des déshérités de Shahrak-e-Sabz. » Impuissante, oui bien sûr, incontestablement. Mais comprendre que le mariage forcé et précoce des fillettes serait  » le dernier espoir face à la détresse des gens » ! Au secours !

Les fillettes afghanes ne liront heureusement pas ce reportage pourtant très beau par bien des aspects, mais auquel manque selon moi une analyse, perspective et conviction féministes. C’est préjudiciable, parce qu’un humanisme sans un regard féminisme universaliste, c’est-à-dire qui n’admet jamais le sort terrible fait aux filles et aux femmes, c’est quoi ? Un relativisme culturel, ni plus, ni moins. C’est l’Obs pourrait-on encore me rétorquer. Certes.

Pourtant, il faut le répéter encore et encore, jamais, nulle part, rien ne peut justifier de vendre pour la marier une petite fille. On se laisse mourir ou on se révolte. Sortir des hommes de la détresse, à ce prix-là, moi je m’en fiche. Hors de question d’accepter que leur sacrifice à elles, puisse constituer une solution ou un espoir, et il ne faudrait pas qu’une telle croyance se répande dans l’opinion publique. Comprendre, admettre que des fillettes soient sacrifiées, l’accepter, même pour la survie du plus grand nombre et disons-le clairement, des hommes, c’est renoncer à les défendre, c’est sceller leur terrible sort. Le prix est bien trop élevé, c’est celui du viol et de l’esclavage de milliers de fillettes. Le seul et dernier espoir des afghans, c’est de se révolter et de renverser ceux qui les oppriment et sinon, qu’ils meurent mais qu’ils laissent leur fillettes en paix.

Elles, méritent notre engagement, pas notre renonciation et il vaut mieux que les reporters qui couvrent ces sujets aient une boussole féministe universaliste en bon état de marche dans la tête.Les Afghans n’ont qu’à se prendre en mains et se bâtir un avenir, ils en sont parfaitement capables s’ils le veulent.

Christine Le Doaré

« Mariages forcés. Etre une fille sous les talibans » Sara Daniel L’Obs https://www.nouvelobs.com/monde/20220803.OBS61651/comme-vivre-dans-une-prison-aux-1001-regles-etre-une-fille-sous-les-talibans.html

Pourrait-on débattre de la GPA ? Oui. Et du patriarcat ?

IMG_3006photo Manifpourtous octobre 2014

topicLa grande confusion LGBT

Pourrait-on parler de la GPA ? Oui, on pourrait ; mais pourrait-on également parler du patriarcat et de la domination masculine ? C’est moins sûr.

D’ailleurs, y a déjà eu nombre de débats sur la GPA et toute personne souhaitant s’informer sur la question dispose de nombreux matériaux (débats et nombreux écrits, thèses et anti-thèses).

En ce qui me concerne, en 2011, j’écrivais déjà ce texte, de l’intérieur du mouvement LGBT, à l’époque présidente du Centre LGBT Paris :

https://christineld75.wordpress.com/2011/05/30/asymetrie-reproductive-et-gestation-pour-autrui-gpa/

Depuis, je n’ai pas changé de position, je l’ai affirmée, confortée par nombre de faits et de témoignages, de plus en plus interloquée par les arguments cyniques et parfois fantaisistes présentés par les pro-GPA.

Pour le fond du débat je renvoie donc au texte ci-dessus.

Mon intention dans ce nouveau texte est seulement de montrer à quel point le débat est dévoyé par des arguments spécieux et fallacieux.

Les partisans de la GPA en appellent désormais à l’origine des temps, prétendent que la GPA a toujours existé et que la Vierge Marie symbolise la première « mère porteuse » de l’histoire.

S’il faut en passer par la fin des temps pour avoir un débat, c’est tout de même un peu compliqué, d’autant plus qu’à cette époque-là, la vie des femmes n’était pas très reluisante, libre arbitre et libre choix n’étaient pas des concepts très en vogue.

A l’époque, la peine de mort et l’esclavage étaient aussi ordinaires, faudrait-il les réhabiliter ?

En appeler à la bible pour défendre des revendications que l’on assimile d’ailleurs à tort, à une égalité de droits entre hétérosexuels et homosexuels, ( la GPA est interdite pour tout le monde), est pour le moins, déconcertant.

La légendaire générosité féminine remise au gout du jour ? « Plus près de toi mon dieu » ?

C’est touchant, mais comme déconstruction du genre et promotion de l’égalité femme-homme, il y a mieux.

Et puis surtout, un peu de bon sens, s’il vous plait !

Marie, mise enceinte sans y avoir consenti (en soi, c’est tout de même glauque), a élevé et vécu avec « son fils ».

Comme mère porteuse, on fait mieux !

Pour rappel une mère porteuse, ou gestatrice, remet l’enfant à la naissance, à ses bénéficiaires.

Autre argument contestable : les français seraient majoritairement en faveur de la GPA.

Oui, c’est aussi le cas pour la peine de mort ; ils sont aussi de plus en plus nombreux à plébisciter le FN, etc.

Si les françaisEs, dans leur majorité, étaient féministes, ça se saurait !

Allons-donc, si de tous temps la GPA a existé, c’est bien parce que nous sommes dans une société patriarcale et que les « Livres saints » sont un des moyens de l’imposer en opprimant les femmes.

En outre, les quelques GPA familiales, amicales, phénomènes ultra-marginaux, ne sont pas en cause ; en revanche, la généralisation de la GPA, marchandisation de l’humain et exploitation de la capacité de reproduction des femmes, est impensable.

La GPA est un artifice qui permet de ne pas s’embarrasser d’une relation et d’acheter sur le marché, comme n’importe quel autre produit prêt à l’emploi, un enfant porté à terme par une inconnue.

Le problème malgré tout c’est que les femmes ne sont pas des unités de production.

Etre favorable à la GPA c’est, comme pour la prostitution,  cautionner la conjonction parfaite des oppressions de genre, de classe, et de « race », d’un libéralisme décomplexé.

Les féministes ne peuvent pas oublier une des raisons d’être majeures du système patriarcal : s’approprier les corps et vies des femmes, afin de contrôler la reproduction.

Ce sont les femmes qui enfantent, par conséquent, contrôler leur sexualité et la reproduction, est indispensable pour s’assurer une descendance à laquelle transmettre ses gênes et son patrimoine.

Le pire encore, c’est qu’à force de parler d’égalité des droits pour la GPA et de tenter de passer en force, les gays compromettent l’extension de la PMA, aux lesbiennes et aux femmes célibataires. Aveuglés par la poursuite de leurs objectifs, ils sont parvenus à associer ce qui pourtant ne se compare en rien.

En outre, la PMA, que l’on y soit favorable ou pas, relève bien de l’égalité de droits puisque les femmes hétérosexuelles en couple peuvent, elles, y avoir recours. Le gouvernement, semble t’il,  attend l’avis du comité national d’éthique.

Les lesbiennes des collectifs mixtes consentent à être instrumentalisées, c’est dommage.

Tout ceci est préjudiciable au mouvement LGBT qui en est tout de même rendu, à amalgamer à la Manifpourtous,  le gouvernement, qui a bien voté le Mariagepourtous et votera probablement la PMA !

Je ne soutiens pas spécialement ce gouvernement qui n’honore pas ses promesses politiques, de là à cautionner des mensonges éhontés.

Dans tous les cas, se proclamer solidaires des lesbiennes pour mieux placer la GPA, n’est pas digne.

Ne pas être solidaires des femmes sur la question de la GPA et plus généralement ne pas se positionner contre la marchandisation de l’humain (Ceci est également vrai pour la question de prostitution portée aux revendications de Marches des Fiertés l’an dernier), c’est se compromettre dans des alliances malsaines et trahir des alliées objectives historiques.

Si ce n’est pas le comble de la mauvaise foi politique pour un mouvement de libération, de conforter le système patriarcal jusqu’à  envisager l’exploitation d’un groupe social encore plus opprimé que le sien !

Contester, c’est risquer être la cible d’amalgames ignobles, des gays n’hésitant plus à insulter les féministes qui s’opposent à la GPA et à la prostitution, en les accusant de soutenir la Manifpourtous !

C’est tout de même invraisemblable, en 2014, au nom de la famille, de l’enfant et de la normalisation sociale, de devoir faire face ainsi à un double front machiste et conservateur :

– le front des pro-GPA qui promeuvent l’exploitation de la fonction reproductrice des femmes,

–  celui des réactionnaires familialistes lesbophobes et homophobes de la Manifpourtous.

Le rassemblement hétéroclite de la Manifpourtous, communiant dans le rejet de l’autre, défile derrière des mots d’ordre absurdes, violemment sexistes, mais aussi, derrière une banderole sur laquelle on peut lire « l’Humain n’est pas une marchandise ».

Pourtant, il ne faut pas prendre ce slogan au pied de la lettre, ces arriérés ne sont en réalité, en rien, opposés à la prostitution ni au trafic d’êtres humains.

Féministes, progressistes, réaffirmons que l’émancipation des femmes passe par la maîtrise de leurs corps et de leurs vies et en aucun cas par une quelconque marchandisation ni de leurs sexualités, ni de leurs fonctions reproductrices.
IMG_3007photo prise lors de la Manifpourtous octobre 2014

Christine Le Doaré

GPA, depuis quand l’Etat Français cède t-il au chantage par voie de circulaire ?

3263163Le discours d’introduction prononcé par Mme Taubira à l’occasion de la loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, est à classer parmi les plus inspirés des discours politiques de notre époque contemporaine.

Christiane Taubira a fait un sans faute et tous ceux qui hurlaient à l’erreur de casting il y a quelques mois de cela, en sont restés époustouflés, oubliant de s’excuser au passage. Mais, il faut bien le dire, la circulaire Taubira sur la GPA* gâche quelque peu le tableau.

S’il y a un sujet qui divise les personnes et associations LGBT, c’est bien celui de la GPA. L’inter-LGBT, fédération représentative, a d’ailleurs renoncé à prendre position en 2012 et à l’inscrire à son corpus revendicatif.

Précisons tout d’abord que la circulaire Taubira ne légalise pas la GPA en France ; elle prend des mesures pour régulariser à postériori, la situation des enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse, quand la ou les personnes qui se déclarent parent-e-s, sont françaises. Précisément, elle demande aux tribunaux de ne plus refuser de certificats de nationalité française pour les enfants nés de mères porteuses à l’étranger. Il est donc faux de dire que cette circulaire réglemente désormais la GPA sur le territoire français ; cependant, elle l’encourage à l’étranger en accordant systématiquement aux enfants, la nationalité française.

En effet, cette circulaire, qui tombe au plus mauvais moment, ouvre une brèche. Prendre une telle circulaire en plein débat sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, comme s’il n’y avait pas assez de confusion, de lesbophobie et d’homophobie, comme s’il fallait donner encore plus de grain à moudre aux opposants, relève au mieux d’une maladresse de communication au pire d’une provocation inutile. Surtout, cette circulaire prise à la va-vite et sans débats parlementaires, n’est pas si anodine qu’il y paraît à première vue et constitue à l’évidence un encouragement à engager des GPA à l’étranger, sachant que la situation des enfants sera ensuite facilement régularisée en France. Sans compter qu’elle a des effets certains sur le droit de la famille et de la nationalité. Il est toujours plus rassurant de savoir ces domaines de compétence entre les mains du Parlement. Le gouvernement a beau tempêter qu’il est opposé à la légalisation de la GPA sur notre territoire, l’encourager à l’étranger est tout de même paradoxal et même incohérent.

Bien entendu les enfants nés de GPA n’y sont pour rien et ne peuvent rester dans une situation juridique incertaine ni en matière de situation familiale, ni de nationalité. Néanmoins, on est en droit de se demander s’ils ne préféreraient pas choisir à l’âge adulte, la nationalité de leur mère porteuse, russe, indienne, américaine ou toute autre, ou encore bénéficier d’une double nationalité ? Mais surtout, la pratique des mères porteuses ou quelque soit le nom qu’on leur donne, est interdite en France et les parents qui initient une GPA savent pertinemment ce qu’ils risquent, (et ce quelle que soit leur orientation sexuelle et qu’ils soient célibataires ou en couple). Ils bafouent sciemment la loi française ; ils se rendent à l’étranger pour commander un enfant à leur convenance.

Dans certains pays, des entreprises proposent un choix sur catalogue, un peu comme dans un supermarché ; dans d’autres pays, des femmes sont forcées, conduites par leur mari dans des maisons de reproduction ou séquestrées par des réseaux criminels ; mais dans tous les cas, ces femmes sont réduites à la fonction biologique de reproductrice et le plus souvent exploitées pour satisfaire le besoin de se reproduire de riches occidentaux.

Une fois l’enfant né et la transaction opérée, le ou les parents déclarés sont confrontés à deux problèmes, l’enfant doit être reconnu comme étant le leur et il doit adopter leur nationalité. Depuis quelques années déjà, des parents, après avoir violé la loi Française, font pression sur le gouvernement pour régulariser la situation de leurs enfants ; il s’agit ni plus ni moins d’un odieux chantage. Bien entendu, tout le monde prend fait et cause pour ces enfants pris en otage et qui ne peuvent subir les conséquences des choix des adultes. Mais désormais, la voie est toute tracée, tous les candidats potentiels à la GPA vont s’engouffrer dans la brèche. Peu importe que cette pratique soit interdite chez nous, puisqu’il sera possible de régulariser à postériori.

En prenant cette circulaire, l’état Français encourage de facto le développement de la pratique de la GPA à l’étranger, il a confortablement déplacé le problème en dehors de ses frontières. S’il était vraiment contre la pratique, il aurait pu prendre une loi d’extraterritorialité comme pour le tourisme sexuel et continuer de régulariser par des décisions judiciaires la situation de quelques enfants.

La délivrance de papiers d’identité français aux enfants nés à l’étranger d’une GPA, est une question complexe qui n’aurait jamais dû être réglée par voie de circulaire. La situation des enfants mérite que l’on s’intéresse à la question, mais cet ordre donné aux tribunaux revient à développer le marché de la GPA à l’étranger en le nourrissant d’une demande française. On peut considérer que c’est une façon de se débarrasser du problème à bon compte, mais aussi de mettre les français devant le fait accompli d’une prochaine légalisation. Car en réalité, à gauche comme à droite, certains politiques veulent légaliser la GPA. C’est notamment le cas d’Alain Milon à l’UMP et de Michèle André au PS. Il est tout à fait possible de dresser un parallèle avec la question de la prostitution.

Un marché luxueux et confortable, réservé aux riches, voire très riches se développe dans des pays tels que la Belgique ou les USA par exemple. En parallèle, l’immense marché alimenté par la misère s’étend dans les pays émergents.

Dans tous les cas, il s’agit d’instrumentalisation du corps des femmes, et ce qu’il y ait ou non marchandisation. Le système patriarcal vise à s’approprier  à des fins sexuelles et reproductives les corps des femmes. La GPA comme la prostitution sont des moyens d’organiser cette appropriation et d’empêcher une totale libération des femmes.

L’ouverture du mariage, aux couples de même sexe, c’est oui ; l’accès à la PMA pour les femmes seules ou en couple, c’est oui ; mais la GPA, c’est non, car les femmes ne sont pas des ventres ni à prendre, ni à louer, ni à vendre. La régularisation des enfants nés d’une GPA, est à étudier, non pas par considération pour ces parents de « l’enfant à tout prix », ces parents capricieux, produits d’une société de consommation à l’individualisme exacerbé, mais par respect des droits de l’enfant.  La quarantaine d’enfants concernés à eux seuls méritent que l’on s’intéresse à la question, mais cet ordre donné aux tribunaux revient qu’on le veuille ou non à développer le marché mondial de la GPA en validant en droit Français les effets juridiques d’une GPA pourtant interdite chez nous.

Il devrait pourtant y avoir des limites éthiques au pragmatisme politique !

Christine Le Doaré

*GPA : Gestation pour autrui / mères porteuses

https://christineld75.wordpress.com/2011/05/30/asymetrie-reproductive-et-gestation-pour-autrui-gpa/


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