photo Manifpourtous octobre 2014
Pourrait-on parler de la GPA ? Oui, on pourrait ; mais pourrait-on également parler du patriarcat et de la domination masculine ? C’est moins sûr.
D’ailleurs, y a déjà eu nombre de débats sur la GPA et toute personne souhaitant s’informer sur la question dispose de nombreux matériaux (débats et nombreux écrits, thèses et anti-thèses).
En ce qui me concerne, en 2011, j’écrivais déjà ce texte, de l’intérieur du mouvement LGBT, à l’époque présidente du Centre LGBT Paris :
https://christineld75.wordpress.com/2011/05/30/asymetrie-reproductive-et-gestation-pour-autrui-gpa/
Depuis, je n’ai pas changé de position, je l’ai affirmée, confortée par nombre de faits et de témoignages, de plus en plus interloquée par les arguments cyniques et parfois fantaisistes présentés par les pro-GPA.
Pour le fond du débat je renvoie donc au texte ci-dessus.
Mon intention dans ce nouveau texte est seulement de montrer à quel point le débat est dévoyé par des arguments spécieux et fallacieux.
Les partisans de la GPA en appellent désormais à l’origine des temps, prétendent que la GPA a toujours existé et que la Vierge Marie symbolise la première « mère porteuse » de l’histoire.
S’il faut en passer par la fin des temps pour avoir un débat, c’est tout de même un peu compliqué, d’autant plus qu’à cette époque-là, la vie des femmes n’était pas très reluisante, libre arbitre et libre choix n’étaient pas des concepts très en vogue.
A l’époque, la peine de mort et l’esclavage étaient aussi ordinaires, faudrait-il les réhabiliter ?
En appeler à la bible pour défendre des revendications que l’on assimile d’ailleurs à tort, à une égalité de droits entre hétérosexuels et homosexuels, ( la GPA est interdite pour tout le monde), est pour le moins, déconcertant.
La légendaire générosité féminine remise au gout du jour ? « Plus près de toi mon dieu » ?
C’est touchant, mais comme déconstruction du genre et promotion de l’égalité femme-homme, il y a mieux.
Et puis surtout, un peu de bon sens, s’il vous plait !
Marie, mise enceinte sans y avoir consenti (en soi, c’est tout de même glauque), a élevé et vécu avec « son fils ».
Comme mère porteuse, on fait mieux !
Pour rappel une mère porteuse, ou gestatrice, remet l’enfant à la naissance, à ses bénéficiaires.
Autre argument contestable : les français seraient majoritairement en faveur de la GPA.
Oui, c’est aussi le cas pour la peine de mort ; ils sont aussi de plus en plus nombreux à plébisciter le FN, etc.
Si les françaisEs, dans leur majorité, étaient féministes, ça se saurait !
Allons-donc, si de tous temps la GPA a existé, c’est bien parce que nous sommes dans une société patriarcale et que les « Livres saints » sont un des moyens de l’imposer en opprimant les femmes.
En outre, les quelques GPA familiales, amicales, phénomènes ultra-marginaux, ne sont pas en cause ; en revanche, la généralisation de la GPA, marchandisation de l’humain et exploitation de la capacité de reproduction des femmes, est impensable.
La GPA est un artifice qui permet de ne pas s’embarrasser d’une relation et d’acheter sur le marché, comme n’importe quel autre produit prêt à l’emploi, un enfant porté à terme par une inconnue.
Le problème malgré tout c’est que les femmes ne sont pas des unités de production.
Etre favorable à la GPA c’est, comme pour la prostitution, cautionner la conjonction parfaite des oppressions de genre, de classe, et de « race », d’un libéralisme décomplexé.
Les féministes ne peuvent pas oublier une des raisons d’être majeures du système patriarcal : s’approprier les corps et vies des femmes, afin de contrôler la reproduction.
Ce sont les femmes qui enfantent, par conséquent, contrôler leur sexualité et la reproduction, est indispensable pour s’assurer une descendance à laquelle transmettre ses gênes et son patrimoine.
Le pire encore, c’est qu’à force de parler d’égalité des droits pour la GPA et de tenter de passer en force, les gays compromettent l’extension de la PMA, aux lesbiennes et aux femmes célibataires. Aveuglés par la poursuite de leurs objectifs, ils sont parvenus à associer ce qui pourtant ne se compare en rien.
En outre, la PMA, que l’on y soit favorable ou pas, relève bien de l’égalité de droits puisque les femmes hétérosexuelles en couple peuvent, elles, y avoir recours. Le gouvernement, semble t’il, attend l’avis du comité national d’éthique.
Les lesbiennes des collectifs mixtes consentent à être instrumentalisées, c’est dommage.
Tout ceci est préjudiciable au mouvement LGBT qui en est tout de même rendu, à amalgamer à la Manifpourtous, le gouvernement, qui a bien voté le Mariagepourtous et votera probablement la PMA !
Je ne soutiens pas spécialement ce gouvernement qui n’honore pas ses promesses politiques, de là à cautionner des mensonges éhontés.
Dans tous les cas, se proclamer solidaires des lesbiennes pour mieux placer la GPA, n’est pas digne.
Ne pas être solidaires des femmes sur la question de la GPA et plus généralement ne pas se positionner contre la marchandisation de l’humain (Ceci est également vrai pour la question de prostitution portée aux revendications de Marches des Fiertés l’an dernier), c’est se compromettre dans des alliances malsaines et trahir des alliées objectives historiques.
Si ce n’est pas le comble de la mauvaise foi politique pour un mouvement de libération, de conforter le système patriarcal jusqu’à envisager l’exploitation d’un groupe social encore plus opprimé que le sien !
Contester, c’est risquer être la cible d’amalgames ignobles, des gays n’hésitant plus à insulter les féministes qui s’opposent à la GPA et à la prostitution, en les accusant de soutenir la Manifpourtous !
C’est tout de même invraisemblable, en 2014, au nom de la famille, de l’enfant et de la normalisation sociale, de devoir faire face ainsi à un double front machiste et conservateur :
– le front des pro-GPA qui promeuvent l’exploitation de la fonction reproductrice des femmes,
– celui des réactionnaires familialistes lesbophobes et homophobes de la Manifpourtous.
Le rassemblement hétéroclite de la Manifpourtous, communiant dans le rejet de l’autre, défile derrière des mots d’ordre absurdes, violemment sexistes, mais aussi, derrière une banderole sur laquelle on peut lire « l’Humain n’est pas une marchandise ».
Pourtant, il ne faut pas prendre ce slogan au pied de la lettre, ces arriérés ne sont en réalité, en rien, opposés à la prostitution ni au trafic d’êtres humains.
Féministes, progressistes, réaffirmons que l’émancipation des femmes passe par la maîtrise de leurs corps et de leurs vies et en aucun cas par une quelconque marchandisation ni de leurs sexualités, ni de leurs fonctions reproductrices.
photo prise lors de la Manifpourtous octobre 2014
Christine Le Doaré