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Avec ou sans récupération politique, le 23 avril, c’est « mariagepourtous » !

-Mardi 23 avril, pour les personnes LGBT et tous les progresssistes, ce sera un jour à marquer d’une pierre blanche ! Ce jour-là les institutions du mariage et du divorce seront aussi ouvertes aux couples homosexuels et lesbiens. Il aura fallu des décennies de luttes au mouvement LGBT pour parvenir à ce résultat, cette dernière année n’étant que la partie immergée d’un combat de longue haleine et d’un espoir soutenu, porté par un grand nombre de militant-e-s depuis les années 90. Pourtant, et c’est bien le plus choquant de l’histoire, personne ne s’attendait à ce que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe serait aussi laborieux à obtenir, en France, en 2013.

Dans l’hémicycle, la gauche s’est montrée à la hauteur, portant haut et fort le projet de loi ; le gouvernement aura tout de même quelque peu tardé à dénoncer officiellement, les violences homophobes. En revanche, à droite, rien ne nous aura été épargné, ni l’ignorance, la mauvaise foi, l’irresponsabilité, ni la haine de l’extrême droite avec ses groupuscules fascisants du GUD et de CIVITAS prêts à tout pour jouer du bâton. Tous ces débordements, toute cette violence aura été le fait d’extrémistes comme l’intégriste catholique Christine Boutin et d’obscures personnalités en quête d’éclairage médiatique comme Frigide Barjot. Ils auront su mobiliser dans leur sillage des opposants, pour l’essentiel issus des milieux catholiques, les autres religions n’étant pas en reste, et de la droite bien pensante.

L’instantanéité de l’information et sa multiplication exponentielle par les réseaux sociaux auront considérablement amplifié ce phénomène d’opposition à une mesure que plus de 80% de l’opinion publique, soutient pourtant. En effet, la majorité représentative nationale tout comme l’opinion publique ont toujours et très majoritairement en faveur du projet de loi. Bien sûr il y a des homophobes en France et les nombreuses associations LGBT n’ont pas fini de lutter contre les LGBTphobies, discriminations et violences ; ni de déployer un travail pédagogique de fond et à long terme pour faire évoluer les mentalités. Les pouvoir publics auront certainement pris conscience de l’importance de les soutenir plus encore et de prendre en charge une partie de cette lourde charge.
A l’évidence, dans un tel contexte, les opposants mobilisent toujours plus et surtout de façon plus visible et spectaculaire que ceux qui attendent une mesure légitime et soutenue par une immense majorité.
Aussi, organiser des contre-rassemblements et manifestations de personnes favorables au projet était-il périlleux car si les gens se mobilisent plus facilement contre les mesures qu’ils jugent injustes, ils sont moins enclins à le faire pour une nouvelle disposition. En outre, sur ce sujet précis, la plupart des personnes concernées et leurs soutiens, ne pensaient pas que l’opposition se radicaliserait autant.
Avant le vote des deux assemblées parlementaires, il était judicieux de mobiliser et rassembler les personnes favorables au projet de loi. Si ce n’était pas indispensable à son adoption, il était utile de rappeler l’attachement des personnes LGBT et des citoyen-ne-s de notre pays à ce projet et surtout de dénoncer l’homophobie nauséabonde qui se manifestait à l’occasion.

En revanche, une fois la loi acquise, c’est-à-dire votée par les deux assemblées et n’étant plus qu’une formalité pour la seconde lecture à l’Assemblée Nationale, prendre le risque de rassemblements d’une ampleur prévisible bien inférieure à la mobilisation des opposants fortement radicalisés, c’est prendre le risque de ne rien démontrer de bien convaincant mais c’est aussi donner l’occasion de nouvelles violences aux extrémistes qui n’attendent que ça pour s’illustrer dans des actes inqualifiables.

Ceci relève d’une stratégie politique et associative. Vaut-il mieux attendre mardi et le vote solennel qui sera, que l’on soit ou non favorable au mariage en général, l’occasion d’une immense fête pour l’égalité des droits ou vaut-il mieux mobiliser à nouveau contre les opposants qui de toute façon ont perdu, avec tous les risques prévisibles ? Personnellement mon choix est fait, mais je comprends bien que d’autres puissent avoir un avis différent.

En tous cas et cela ne me surprend pas, ce n’est pas le choix qu’a fait Act-Up et quelques groupuscules qui en début de semaine, appelaient à un nouveau rassemblement dimanche. A ce moment précis du processus, c’est-à-dire à deux jours du vote solennel, je ne comprends vraiment pas à quoi ce rassemblement peut servir. Manifestation contre manifestation, surtout quand le nombre n’est pas en faveur de ceux qui pourtant ont toute légitimité à revendiquer, on a bien vu où ça menait.
En outre, selon moi, c’est le rôle des fédérations représentatives et qui ont mené à bien la lutte pour l’adoption de ce projet de loi, de proposer puis conduire une stratégie gagnante.
Il est très difficile de ne pas remarquer que ces fédérations, sachant qu’elles avaient la loi pour elles, n’étaient pas à l’origine, partie prenante de cette initiative mais ont fini par s’y rallier, probablement pour ne pas être en reste ni être accusées, bien à tort d’ailleurs, de faiblesse ; elles qui pourtant, ont effectué tout le travail de fond.

Dans les milieux politiques et associatifs, il y a toujours des groupes et/ou des personnes qui avec opportunisme, savent récupérer sur le fil, les fruits d’un travail. Dans le cas d’Act-Up, n’est-ce pas là l’occasion rêvée de se refaire une crédibilité LGBT alors que l’association, en perte de vitesse, n’est pas franchement représentative du Mouvement LGBT ? Difficile d’évaluer son bilan en matière de lutte contre le sida, les contaminations au VIH-Sida étant toujours aussi problématiques dans les populations gays et trans, mais elle n’en n’est pas la seule responsable ; en revanche, elle s’est beaucoup transformée ces dernières années, adoptant des pratiques qui ont été dernièrement dénoncées dans le texte publié à l’étranger : http://sousleparapluierouge.wordpress.com/2013/03/26/anatomie-dun-lobby-pro-prostitution-etude-de-cas-le-strass-en-france/.

Pour beaucoup de féministes, et pas seulement, elle passe pour un modèle de misogynie. La lutte contre l’homophobie doit passer par la lutte contre le sexisme, mais Act-Up préfère se concentrer et s’illustrer dans des actions communes avec le STRASS.
Samedi dernier encore, ses militants jetaient du faux sang partout sur le trottoir devant la Machine du Moulin rouge où avait lieu la convention « Abolition citoyenne de la prostitution » du 13 avril, pour tenter d’impressionner les femmes prostituées qui courageusement avaient pris la décision de venir témoigner, ces femmes qu’ils prétendent représenter mais musèlent constamment dés qu’elles ne défendent pas leurs thèses néolibérales et patriarcales sur la prostitution. 11 membres du STRASS et d’Act-Up, leur co-présidente salariée en tête, tentaient d’impressionner les 500 participant-e-s venus s’engager pour un projet qu’Act-Up comme le STRASS s’acharnent à dénaturer et discréditer violemment.
Ils rabâchent sans cesse et malgré toutes les évidences, les mêmes mensonges, à savoir que le projet abolitionniste c’est la prohibition de la prostitution, alors que c’est justement l’inverse : les abolitionnistes veulent eux-aussi, l’abrogation du délit de racolage, mais également des alternatives sociales et économiques à la prostitution, des mesures d’éducation et de pénalisation du client prostitueur afin de les conscientiser à l’égalité femme-homme, au respect de la personne humaine et à une sexualité libre et hors des lois du marché, et enfin, des mesures de lutte sans merci contre la traite et les réseaux qui inondent nos trottoirs.
Tout le projet est exposé avec transparence sur ce blog : http://abolition13avril.wordpress.com/2013/04/17/systeme-prostitueur-apres-labolition-citoyenne-labolition-legislative/
Et puis, la liberté dont ils nous parlent, qu’elle est-elle ? La liberté d’exploiter, d’aliéner, de briser des femmes au nom d’une prétendue « créance » patriarcale à la sexualité ? Et toute cette souffrance pour enrichir qui ?

Les thèses patriarcales et néolibérales d’Act-Up sont préjudiciables aux femmes. Alors si nous sommes habitué-e-s à la récupération politique de ceux qui sont habiles à ramasser les lauriers que d’autres ont semés et pouvons dans certains cas et notamment quand l’intérêt collectif l’exige, faire preuve d’indulgence, vis-à vis de tels soutiens de l’exploitation des femmes, pour moi, c’est non et ce sera toujours non, d’autant plus si ça ne présente aucun intérêt stratégique.

Bien entendu, l’important n’est pas là. Ce qui compte c’est que le mardi 23 avril et même si beaucoup reste à faire, toutes les générations de militant-e-s qui ont œuvré à cet objectif, toutes les lesbiennes et les gays de ce pays, s’approcheront un peu plus de l’égalité des droits en France.

Christine Le Doaré


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