La retraite des cerveaux

Un scandale ou une nécessité ? #reformedesretraites

crédit Ouest France fin de manifestation à Rennes

Les réactions face à la réforme des retraites sont intrigantes. La France est-elle devenue passéiste et otage de tristes passions, incapable de sauver un régime de solidarité intergénérationnelle ?

Faudrait-il conserver comme âge de départ 62 ans alors qu’en moyenne, d’ores et déjà, les salariés du privé partent à 63 ans ? Faudrait-il maintenir de dispendieux régimes spéciaux sachant que l’Etat (nos impôts) paye déjà un tiers des pensions versées ? Faudrait-il faire comme si nous ignorions que de moins en moins d’actifs financent toujours plus d’inactifs ? Devrions-nous faire l’autruche devant la problématique du grand âge et tous ses coûts liés à la dépendance … ?

Pourquoi toute l’Europe a-t-elle réformé en prenant un âge plus lointain dans nombre de pays ? Pour embêter leur population ? Peut-on rester éternellement sur des acquis, imaginer que rien ne change, se croire seuls au monde ?

Taxer plus encore les entreprises qui le sont amplement en France est-ce une solution pérenne et favorable à la re-localisation des entreprises en France ? (Les super-profits c’est autre chose, encore faut-il pouvoir le faire sans que ces entreprises ne transfèrent leur siège social ailleurs). Il ne faudrait pas perdre de vue que les exonérations d’impôts ne sont pas gratuites mais accordées en contrepartie de mesures sociales d’embauche, de jeunes, handicapés… Il y a probablement des pistes à creuser dans ce domaine au plan fiscal, mais pas au détriment de catégories de population qui doivent être protégées. Et cela ne suffirait pas de toute façon à rééquilibrer sur le long terme, un système de plus en plus déficitaire et sensé fonctionner avec les cotisations des employeurs, ce qui n’est déjà plus le cas. En réalité la capitalisation est déjà là pour beaucoup de salariés, le plan d’épargne retraite populaire avec un abondement employeur c’est de la capitalisation.

Le texte du gouvernement passé par les chambres a évolué. Qui a lu le document finalisé par la commission paritaire ? Le projet de loi a été amélioré, il aurait dû l’être plus encore si l’Assemblée nationale n’avait pas joué le blocage mais voté des amendements intelligents. Nous avons assisté à un spectacle affligeant de surenchère démagogique. Les anciens partis de gouvernement en plein reniement, qu’il s’agisse du PS à la ramasse de LFI comme de LR mené notamment par Aurélien Pradié prenant une position exactement inverse à celle qu’il défendait jusqu’alors en prônant un âge de départ à 65 ans.

En politique la démagogie est souvent de mise, certains promettent une société de loisirs mais quand ils sont au pouvoir prennent des lois (ou les préparent) plus dures que celles passées avant eux, comme l’a souvent fait le PS de gouvernement. D’autres comme les gauchistes de LFI ne proposent rien de réaliste et mèneraient le pays à une faillite certaine en quelques mois de gouvernement. Enfin, les états majors de Zemmour et de Le Pen sont prêts à nous plonger dans un Frexit mortifère, des haines identitaires et un retour arrière pour les femmes et les minorités sexuelles.

Et puis il y a ce gouvernement. Il a bien des défauts, il est inexpérimenté, communique maladroitement. Emmanuel Macron n’est pas toujours bien inspiré ni conseillé. Il faut dire que l’acharnement médiatique contre lui et la haine des extrêmes populistes n’aident pas. Mais le gouvernement travaille et si on établit un bilan, il a adopté infiniment plus de mesures sociales et de protection (tout en relançant l’économie, réimplantation des industries en France, dynamisant l’apprentissage, réduisant drastiquement le chômage….) que les précédents qui ont toujours mené une politique de droite avec peu de succès économique.

Les réactions des français m’étonneront toujours.
Pourquoi pensent-ils qu’un article 49-3 a été rédigé et figure en bonne place dans notre constitution si ce n’est pour être utilisé ? Plus de 90 fois déjà sous la 5ème République.
Avec un tel Parlement, le pire que nous n’ayons jamais eu, LR et PS peu responsables et des extrêmes au comportement infect, le recours au 49-3 était prévisible puisque la réforme des retraites est un point central du programme du Président. Les médias auraient dû l’anticiper, et tout le monde d’ailleurs ; on pense ce que l’on veut, du 49.3 comme de la réforme, mais il ne pouvait pas en être autrement. Pour autant, l’attitude d’Emmanuel Macron en décidant d’y recourir au dernier moment, après avoir laissé la première ministre affirmer le contraire, n’est pas bien respectueuse de son équipe.

Les réactions des français sont surprenantes mais celles des médias le sont plus encore. Ils auront tout fait pour entretenir un sentiment anti-réforme, peut-être parce qu’ils ont pour beaucoup un régime spécial à défendre ? Parce qu’ils sont désormais plus militants que journalistes ?
Les mobilisations étaient en réalité assez faibles. Il y a un taux dérisoire de syndiqués en France et les grèves concernaient surtout les entreprises publiques ou semi-publiques et/ou bénéficiant de régimes spéciaux. Les manifestations n’étaient pas si importantes non plus, la CGT a bien tenté de faire croire le contraire avec un comptage fantasmagorique, mais même de la sorte, ramené à l’ensemble de la population active, on ne peut pas parler de pression de la rue, encore moins de mise de la France à l’arrêt. Pourtant les médias ont redoublé d’efforts, annonçant les chiffres de la CGT, multipliant les micro-trottoirs orientés, organisant débats et prises de paroles opposés à la réforme à longueur d’antenne et de colonnes de presse. En vain, les chiffres de la mobilisation baissaient constamment. Il faut croire que les français dans leur ensemble et grande majorité silencieuse avaient compris qu’une réforme était incontournable, peut-être pas celle-ci et sûrement auraient-ils préféré des débats et des amendements utiles votés à l’Assemblée Nationale, mais ils étaient prêts pour une réforme.

Et voilà qu’on nous promet le chaos, à renfort de menaces des extrêmes populistes et Poutinolâtres, de casseurs et de blackblocs qui reprennent du service. Mettre la France sens dessus dessous pour une réforme inévitable, pour quelques mois de salariat de plus afin de sauver un régime de solidarité inter-générationnelle ? Il ne faut tout de même pas avoir peur de lâcher la proie pour l’ombre et de risquer d’installer au pouvoir une Meloni française qui gouvernerait associée à la NUPES. Une vision de cauchemar. Et nous serions très certainement nombreux à partir chercher une herbe plus verte ailleurs. Revenons à la raison et une juste évaluation des enjeux et n’oublions pas qu’il est toujours possible de revenir sur une réforme pour l’adapter.

Christine Le Doaré

Victor Hugo
La foule et le peuple « souvent la foule trahit le peuple »

« Ah ! le peuple est en haut, mais la foule est en bas.

La foule, c’est l’ébauche à côté du décombre;

C’est le chiffre, ce grain de poussière du nombre;

C’est le vague profil des ombres dans la nuit;

La foule passe, crie, appelle, pleure, fuit;

Versons sur ses douleurs la pitié fraternelle.

« Quand la cohue inepte, insensée, féroce,

Etouffe sous ses flots, d’un vent sauvage émus,

L’honneur dans Coligny, la raison dans Ramus,

Quand un poing monstrueux, de l’ombre où l’horreur flotte,

Sort, tenant aux cheveux la tête de Charlotte

Pâle du coup de hache et rouge du soufflet,

C’est la foule; et ceci me heurte et me déplaît;

C’est l’élément aveugle et confus; c’est le nombre;

C’est la sombre faiblesse et c’est la force sombre.

« O multitude, obscure et facile vainqueur,

Dans l’instant bestial trop souvent tu te vautres,

Et nous te résistons ! Nous ne voulons, nous autres

Ayant Danton pour père et Hampden pour aïeul,

Pas plus du tyran Tous que du despote Un seul.

« Voici le peuple : il meurt, combattant magnifique,

Pour le progrès; voici la foule : elle en trafique;

(…)

Voici le peuple : il prend la Bastille, il déplace

Toute l’ombre en marchant; voici la populace,

Elle attend au passage Aristide, Jésus,

Zénon, Bruno, Colomb, Jeanne, et crache dessus.

« Voici le peuple avec son épouse, l’idée;

Voici la populace avec son accordée,

La guillotine. Et bien, je choisis l’idéal.

Voici le peuple; il change avril en Floréal,

Il se fait République, il règne, il délibère.

Voici la populace: elle accepte Tibère.

Je veux la République et je chasse César. »

« Le droit est au-dessus de Tous; nul vent contraire

ne le renverse; et Tous ne peuvent rien distraire

ni rien aliéner de l’avenir commun.

Le peuple souverain de lui-même, et chacun

son propre roi; c’est là le droit. Rien ne l’entame. »

quand tout est prétexte aux nihilistes pour saccager un pays

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