La prostitution GAY, différente ou pas ? Parlons-en !

309699_200637723409666_1722581334_nQuand on parle de prostitution, c’est rarement de prostitution gay, marginale au regard de l’ensemble. Marginale, mais pas négligeable, notamment dans les grandes villes, et selon Google insight, la région Provences-Alpes-Côtes d’Azur est autant concernée que l’Ile de France et même la dépasse. Cette forme de prostitution étant peu étudiée, il vaut mieux connaître les milieux homosexuels pour l’appréhender, et même alors, elle garde sa part d’ombre.

A la parution de « Double-vie » d’Hervé Latapie, on a lu que ce livre allait enfin briser les tabous. L’auteur, propriétaire des soirées « La boite à frissons » de la boîte gay « Le Tango », allait nous révéler de l’intérieur, les dessous de la sulfureuse prostitution gay. Mais, la démarche d’Hervé Latapie n’est pas celle d’un sociologue, aussi, ce livre ne nous éclaire-t-il guère mieux que les rares articles – témoignages parus dans la presse ces dernières années. Le principal intérêt de « Double-vie » est de nous confirmer que cette prostitution se passe désormais moins dans la rue que sur Internet et que ce sont les clients qui parfois incitent à se prostituer ceux qui s’inscrivent sur les sites de rencontre et n’y auraient pas toujours pensé d’eux-mêmes.

A la question, la prostitution gay est-elle comparable à la prostitution des femmes, Hervé Latapie répond non, car selon lui, le rapport de domination hommes/femmes du système patriarcal est absent. Logique me direz-vous ? Pas tant que ça ! Claudine Legardinier aurait plu compléter son analyse : « Au nom d’une prétendue subversion, on entérine l’expression la plus cynique du capitalisme libéral, prêt à tout pour transformer les femmes, produit hautement rentable, en marchandises prêtes à consommer. On redore le blason de la pire idéologie machiste, celle qui assigne les femmes à la fonction éternelle de « putain » et dote les seuls hommes d’une sexualité, du moins d’une pulsion qui fonctionne à l’urgence et nécessite un exutoire. « par : dans le cadre d’une exploitation capitaliste et machiste, certains hommes aussi, sont transformés en produits de consommation sexuelle correspondant aux attentes d’hommes qui en désirent d’autres.

Pour lutter contre l’exploitation des êtres humains, il faut adopter des politiques économiques et sociales progressistes mais aussi abolir le système patriarcal et ses privilèges. Comme l’a si bien dit Benjamin, le seul jeune escort interviewé par Latapie qui porte une analyse critique sur la prostitution, le seul vrai tabou en matière de prostitution gay, porte sur la sexualité masculine : « plus besoin de prostitution le jour où la sexualité masculine sera enfin questionnée ».

1. Il semble toutefois qu’il soit possible de relever au moins cinq différences avec la prostitution des femmes

1.1 Le mode de rencontre avec les clients : pas seulement, mais principalement via Internet
C’est désormais une prostitution qui se pratique principalement via Internet. Escort, c’est plus distingué que « prostitué », ça masque l’acte et ses réalités. Quelques escorts sont même côtés, ils disent trier leurs clients sur le volet, mais pour la plupart d’entre eux, c’est loin d’être aussi « glamour ». Des sites de rencontre gays entremêlent les rencontres amoureuses et/ou sexuelles avec la prostitution.
Rentboy, Escupido par exemple ou encore Gay Roméo, très connu des gays et plus généralement des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, et qui compte 2 500 escorts répertoriés. Les sites Internet comme Gay Roméo dont le siège social est en Hollande, contournent la loi et se domicilient à l’étranger pour éviter le délit de proxénétisme (définition : « aider, assister ou protéger la prostitution d’autrui »). En effet, la cyber-prostitution est illégale en droit français, la décision du 8 mars 2007 du TGI de Bobigny a condamné du chef de proxénétisme, un développeur de site Internet pour avoir « aidé, assisté ou protégé la prostitution d’autrui » en créant, moyennant rémunération, des sites Web de prostitués. En outre, l’article 225-6 du code pénal condamne le fait de « faire office d’intermédiaire entre deux personnes dont l’une se livre à la prostitution et l’autre exploite ou rémunère la prostitution». Les sites français, de petite annonces en particulier, opèrent donc une modération pour éviter les condamnations, les annonces sont rédigées en conséquence, elles font souvent référence à des massages et du bien être et ne mentionnent pas de tarifs. Les prostitués eux, s’ils ne racolent pas ostensiblement, au plan pénal, ne risquent rien en France.

La prostitution gay se pratique aussi dans certains saunas et encore par le biais de petites annonces de services de massage publiées sur des sites d’annonces qui comportent une rubrique « Escorts boys Paris » comme Vivastreet.

La prostitution de rue quant à elle, ne représenterait plus que de 15 à 20% de la prostitution masculine, alors que jusqu’aux années 80, elle était fréquente dans les lieux de drague et de socialisation, à Montmartre, rue St Anne et ailleurs. Le groupe Pin’aides (prévention) de l’association Aides a établi que les garçons avaient déserté les rues pour les forums de discussion sur le Net, les chats et les webcafés ou encore le téléphone, car cela leur rapporte plus tout en étant moins risqué. En revanche, ceux qui continuent de tapiner Porte Dauphine ou dans le bois de Boulogne, n’ont vraiment pas le choix. Ils sont Albanais, Roumains, Africains, maghrébins ou Turcs, le plus souvent sans papier. Parmi les mineurs, beaucoup de Roumains. Comme dans l’univers de la prostitution de rue féminine, ceux-là sont en proie aux intimidations, au racket, et à toutes sortes de violences. Dans une extrême précarité, ils luttent pour une survie quotidienne, et de ce fait, sont notamment insensibles à toute prévention aux IST.

1.2 Une relative indépendance, pas ou peu de macs et de réseaux, mais souvent, de discrets intermédiaires
La plupart des hommes prostitués, notamment ceux qui utilisent Internet, sont indépendants. Ils sont beaucoup moins souvent que les femmes prostituées, sous l’emprise d’un proxénète ou d’un réseau mafieux. Pour les garçons des rues en revanche, parfois travestis, souvent immigrés et mineurs, il en va autrement et des jeunes Roumains, par exemple, sont sous le contrôle de réseaux prostitueurs.

Les lieux « interlopes » où se mélangeaient clients et prostitués avant les années 80, n’ont plus ouvertement cours. Pourtant, ceux qui exercent cette activité via Internet ont souvent commencé en fréquentant des boites et bars gays où il arrive que des patrons, semble t’il sans en retirer de bénéfices directs et donc risquer d’être accusés de proxénétisme, les mettent en contact avec leur clientèle. Il s’agit alors d’une forme de parrainage subtil et trouble dans lequel chacun prétend trouver son compte. Des Patrons de boîtes ou bars gays mettent en contact leurs protégés, avec les clients potentiels, à commencer parfois, par eux-mêmes. L’escort fait boire les clients, en échange, une chambre lui est mise à disposition.

Un témoignage extrait d’un article publié dans Rue 89 : « Je vais souvent dans un bar gay et le patron qui me connaît très bien, m’envoie des clients. Il a un appartement exprès à disposition. La seule compensation, c’est que je fasse boire un peu le client avant de m’isoler avec lui dans la chambre ».
En réalité, on n’est pas loin de ce que l’on appelle un « souteneur » et il s’agit bel et bien d’une forme de proxénétisme qui ne dit pas son nom et se dissimule derrière une façade de solidarité.

Ceux qui militent pour la légalisation, réclament pour les prostitué-e-s un statut de travailleur indépendant afin d’empêcher l’enrichissement d’intermédiaires. Laissons de côté les arguments politiques tels que : si c’était un travail, on trouverait des offres pour prostituté-e-s à Pôle emploi, etc. ou encore : la volonté de quelques individus de louer leurs corps – et non leur force de travail intellectuelle ou physique – ne peut prévaloir contre les exigences de l’égalité femmes-hommes ni contre un projet de société humaniste et féministe, etc., questionnons plutôt leurs motivations. A n’en pas douter, certains réglementaristes sont sincères et désintéressés, guidés par l’idée d’une liberté sans limite, oubliant que sans véritable choix, il ne peut y avoir de véritable liberté. Sans compter que payer c’est imposer ce qui sinon ne se produirait pas, c’est antinomique avec toute notion de liberté, forcément gratuite ; par définition, se prostituer ne peut jamais constituer une liberté. Mais d’autres, ont des motivations plus douteuses et se donnent bonne conscience en soutenant voire en initiant, de plus jeunes, à la prostitution.
J’ai beau m’interroger, je peine à trouver crédible la promotion d’une prostitution « meilleur des mondes », empreinte de respect et à fortiori de solidarité.

1.3 Des prostitués jeunes et même très jeunes (A quelques exceptions prés, liées aux pratiques sexuelles : SM…).
Ils sont le plus souvent très jeunes (en moyenne entre 16 et 25 ans), gays eux-mêmes mais pas toujours, et un bon nombre sont étudiants, mais aussi et de plus en plus souvent, salariés. Une partie du « milieu gay » cultive le jeunisme et survalorise le culte du corps et des apparences, il faut être jeune, beau, en forme et sapé dernier cri. L’argent roi, au cœur d’une superficielle société de consommation.
Dans ce milieu-là, passés, 25 ans, les hommes redoutent de ne plus séduire, donc exister. Alors, pensez bien, s’il faut payer, il y a intérêt qu’ils soient jeunes et beaux ! Pour ceux qui sont gays, nous venons de le voir, l’initiation à la prostitution commence souvent par les sorties en boite, et ce dés 15/16 ans, grâce à la complicité de patrons de boîtes. Pour financer un tel train de vie (la tenue qui va bien, l’entrée, les consommations, le taxi pour rentrer…), ils acceptent rapidement les propositions et ce d’autant plus qu’elles leur sont présentées pour leur rendre service et en toute amitié.

Les garçons qui tapinent dans les rues et dans les bois, souvent très jeunes eux-aussi, doivent enchaîner les passes avec des hommes plus ou moins scrupuleux et mettent leur vie en danger. Ceux-là pour une poignée d’euros (20 ou 30 €) subissent les pires humiliations et violences. J’en ai rencontré qui fréquentaient la permanence sociale ou le bar associatif du Centre LGBT Paris, qui passaient s’approvisionner en préservatifs, beaucoup disaient leur haine des hommes qui les exploitent, certains parlaient même de se venger un jour des viols subis.


1.4 La motivation principale des prostitués gays est aussi l’argent, soit pour vivre ou survivre, mais leurs tarifs sont plus élevés, en moyenne, que ceux des prostituées femmes

La motivation des prostitué-e-s de rue est la même qu’ils soient hommes ou femmes, c’est la survie (le tarif moyen d’une passe est entre 20€ et 50 €) ; parfois ils sont sous emprise, mais c’est beaucoup plus rare chez les prostitués masculins. Pour les escorts Internet, le prix courant se situe entre 150 € / H et 500 € la nuit ou la journée, mais pour les escorts gays « de luxe » on peut monter jusqu’à 300 € / H et 3000 € la nuit ou la journée (Les tarifs de la plupart des escortes femmes sont inférieurs : escortes du Net 100 € / H et 300 € la journée ou la nuit et escortes « de luxe » entre 200 € / H et 2000 € la journée ou la nuit).
Concernant les escorts Internet, « de luxe » ou pas, la promesse d’argent facile pour accéder aux exigences de consommation d’un milieu et de ses dictats en matière de mode et de standing, est parfois incitative.
Les plus prévoyants placent leur l’argent pour garantir l’avenir. Mais pour la grande masse de ceux qui négocient un tarif moins élevé, il ne s’agit ni de survie ni de luxe, mais bien d’arrondir des fins de mois difficiles ou de financer des études.

Globalement et en moyenne, les tarifs sont proportionnellement plus élevés pour les hommes que pour les femmes prostituées. Un témoignage d’un escort hétérosexuel pour gays, extrait d’un article publié dans Rue 89 : « Mais quand on a besoin d’argent, on ne réfléchit plus trop. Et c’est beaucoup plus facile et rentable d’être escort pour les hommes plutôt que pour les femmes. »

Autre témoignage toujours extrait d’un article publié dans Rue 89 : « Parce qu’on est pas des putes. Le tarif est beaucoup plus élevé, on a donc le luxe de choisir nos clients. Et le point commun avec tous les escorts est qu’ils sont tous plus ou moins beaux. «

Ces jeunes hommes nous rappellent que nous vivons dans une société sexiste dans laquelle la position sociale et l’argent détenu par les hommes leur confèrent le pouvoir de dominer, et ce quelle que soit leur orientation sexuelle ; même les « victimes » du système s’en sortent, en général, mieux en étant des hommes plutôt que des femmes.

1.5 D’autres raisons à la prostitution gay, notamment l’homophobie familiale et sociale, la difficulté d’acceptation de son homosexualité et le manque d’estime de soi
En Suède, pays abolitionniste (et non prohibitionniste), le nombre de garçons qui se prostituent est deux fois plus élevé que celui des filles. Selon une récente étude, 2,1% des jeunes hommes suédois entre 16 et 25 ans et 0,8% des jeunes femmes se sont prostitués en 2012. Selon le Conseil national de la jeunesse, ces 20 000 jeunes sont en souffrance sociale et/ou psychologique, mais si les garçons sont plus nombreux que les filles, c’est que « les jeunes hommes homosexuels peuvent accepter plus facilement leur sexualité s’ils le font en échange de quelque chose: quelques bières, une recharge téléphonique, etc. «

On comprend ici, que la prostitution est alors pour certains jeunes gays, un moyen d’assumer son homosexualité. J’ai personnellement vérifié cette hypothèse au moins une fois : « Je ne suis pas homo, je suis prostitué pour hommes, c’est pas pareil » m’a dit un jour un jeune homme passé pour un débat au Centre LGBT Paris, pourtant, je l’ai revu, quelques années plus tard, sorti de la prostitution et gay assumé, peut-être ne s’était-il agit pour lui que d’une étape vers l’affirmation de son orientation sexuelle ?

Régulièrement, de jeunes gays sont rejetés par leur famille homophobe, certains se tournent vers la prostitution pour survivre. Ils peuvent grossir les rangs des prostitués de la place Dauphine ou du bois de Boulogne, mais aussi tomber sous la subtile protection de patrons de bars ou de boites gays. Ces derniers considèrent leur rendre service et même exercer une solidarité communautaire à leur égard. En effet, des liens naissent parfois de ces rencontres, il n’en demeure pas moins vrai que ces relations inégalitaires profitent surtout aux adultes ou plus âgés et établis, qui exercent un véritable ascendant sur leurs jeunes « protégés » dont ils aiment s’entourer.

Ces raisons-là de se prostituer sont très spécifiques à la prostitution gay ; adopter des programmes de prévention et d’éducation pour mieux lutter contre l’homophobie, la lesbophobie et la transphobie à l’école et dans l’ensemble de la société, devraient constituer d’efficaces moyens de prévention. Si les chercheurs se donnaient la peine de s’intéresser à la question, il est probable qu’ils trouveraient chez de jeunes prostitués gays un pourcentage significatif d’entre eux ayant subi des violences sexuelles dans l’enfance.

Des témoignages que j’ai recueillis tout au long de mon expérience associative dans le mouvement LGBT, il ressort que des prostitués gays éprouvent du dégoût envers eux-mêmes et leurs clients, d’autres non. Pour les garçons de la Place Dauphine, c’est très clair, le désespoir souvent lié à un exil décevant et des conditions de vie déplorables entrainent des comportements à risque avec les conséquences sanitaires que l’on imagine sans peine. Ils ne se respectent plus et moins encore leurs clients. Pour les autres, c’est moins homogène. Ceux qui sont sous l’influence des codes du « Marais » pour faire court, vouent un tel culte à la mode et au monde du luxe, qu’ils peuvent trouver dans la consommation, matière à se valoriser, ceux-là disent se prostituer sans plus y penser. Et puis il y a tous les autres, ceux qui ne se prostituent que sous l’emprise de drogues, ceux qui cachent se prostituer à leur entourage, ceux qui ont déjà posé la date de fin d’une parenthèse prostitutionnelle, soulagés de savoir que ça ne durera qu’un temps qu’ils s’empressent ensuite d’oublier, etc.

Extrait d’un article publié dans Rue 89 : « Chaque garçon a une histoire particulière, mais tous les quatre ont une certitude : c’est qu’ils arrêteront. D’ailleurs Medhi n’est plus de ce milieu depuis qu’il a rencontré quelqu’un. Yoann lui, veut augmenter la cadence avant de tirer un trait définitif « je suis à quatre clients par mois, j’aimerais bien enchaîner plus. Je pense que j’arrêterai quand je ne serai plus étudiant, dans deux ou trois ans. J’espère en avoir moins besoin, et puis, je serai moins attractif ». Alexandre aussi est sûr d’y mettre fin : « Evidemment, dés que j’ai un travail stable, j’arrête. C’est juste un passage que j’effacerai de ma tête plus tard, en me disant « j’ai été con quand même ». Enfin, Jérémy diminue les rendez-vous avant de tourner la page, dès qu’il pourra vivre de la danse ».

Il y a peu de témoignages d’escorts gays, une fois arrêtée la prostitution. Ce n’est sûrement pas pour rien ! Ce qui est certain, c’est qu’ils commencent en pensant savoir quand ils arrêteront, ils semblent fixer les limites. Il faut dire que de toute façon, elles leur sont imposées par l’âge, rédhibitoire dans les « milieux gays ».
Chez les femmes prostituées le paramètre de la période de temps acceptable est beaucoup moins présent. A nouveau, on retrouve les différences sociales entre les hommes et les femmes dans une société patriarcale ; dans l’ensemble, les hommes gardent mieux le contrôle sur leur vie et sont moins sujets aux relations d’emprise et de domination, ils s’en sortent mieux financièrement. Toutefois, je doute que tous s’en sortent aussi bien et je pense notamment à ceux qui basculent dans l’alcool et la drogue pour tenir, ceux qui se retrouvent contaminés par une ou plusieurs IST. Si globalement, les escorts gays interviewés disent avoir confiance en eux et en l’avenir, car ils ne feront qu’un court passage par la prostitution, en sortiront-ils vraiment indemnes ? Quel recul avons-nous, et qui s’y intéresse vraiment ?
Les travaux sérieux sont pour ainsi dire inexistants, les sociologues français boudent la question, ce qui n’est pas le cas au Canada où Michel Dorais notamment, a publié un ouvrage sur la prostitution gay.


2. Les clients et leurs motivations

Selon le témoignage d’un jeune escort, après une expérience de 10 mois de prostitution et de 150 rencontres : le client type est soit un homme marié ou âgé qui a besoin de parler, soit un gay actif et hyperbooké, soit un jeune amoureux de l’escort prêt à payer pour passer du temps avec lui (confusion entre la rencontre et la prostitution, propre aux sites de rencontre et/ou aux rencontres en boîte).

Tous les escorts le disent, la majorité des clients sont des hommes mariés, en couple hétérosexuel. D’après Maitresse Nikita, qui contrairement à ce que son nom indique est un homme, « 95% des clients des tapins travestis sont des hétéros ». Hervé Latapie, le confirme dans Doubles vies : « Or aucun de ceux là n’a accepté de me rencontrer. J’ai dû me limiter à des clients ouvertement homosexuels. ».
Doubles vies est donc construit autour d’une vingtaine d’interviews de clients gays pourtant très minoritaires. Si les gays ne sont pas tant consommateurs de prostitués c’est probablement parce que les lieux de consommation sexuelle gay : bars, back-rooms, saunas, bois, etc. sont très nombreux et les gays, en général, moins contraints dans leur sexualité.

Les clients masculins ont-ils un regard différent sur les prostitués gays que sur les prostituées femmes ? On pourrait se rassurer comme le fait Hervé Latapie dans son livre, en affirmant qu’un client d’escort ne peut être soupçonné d’exercer le pouvoir de la domination masculine sur une personne de son sexe, qui plus est, un autre homme. En réalité, il s’agit bien d’une relation de pouvoir, économique et sociale, mais psychologique aussi. Celui qui impose un rapport sexuel par l’argent exerce un ascendant.
Pourtant la sexualité n’est pas un dû, elle relève de la relation à l’autre et de son désir.
Dans toutes les formes de prostitution, le client, à une écrasante majorité pour ne pas dire quasi-totalité, est un homme, presque toujours plus aisé et plus âgé que la personne prostituée. Le prostitué masculin, même s’il s’en sort mieux que les femmes, est alors lui aussi instrumentalisé et réduit au rang d’objet, de marchandise. Et même si des clients basculent dans l’affectif, imposer ce lien par le biais d’un acte, voire même d’un simple contact, prostitutionnel, leur permet à très bon compte, d’exercer un contrôle sur l’objet de leurs désirs et de satisfaire leur besoin de domination.
Qu’elle en soit consciente ou non, la transaction financière scelle l’anéantissement de la volonté et donc du consentement de la personne prostituée qui souvent se réfugie dans la dissociation, système de défense pour se détacher des perceptions et souvenirs.

3. En conclusion
A nouveau, la parole à Benjamin qui se qualifie de « pute anarcho-anticapitaliste « dans « Double-vies » : «Le problème est dans la sexualité masculine. La prostitution, c’est parce que la sexualité masculine va mal et ça fait des milliers d’année. » Sans son monde idéal, il n’y aura plus de prostitution car on vivra autrement sa sexualité.

Même si dans une société patriarcale, les hommes – y compris ceux en bas de l’échelle – s’en sortent globalement toujours mieux que les femme ; même s’il y a bien des différences – et au moins 5 – avec la prostitution des femmes, la prostitution gay contribue elle aussi à maintenir les privilèges masculins patriarcaux.
Elle entretient la légende, vieille comme le monde, d’une sexualité masculine fantasmée, indispensable à la survie de la domination masculine. Elle maintient en servitude les plus démunis et déshumanise nos sociétés livrées à une mondialisation capitaliste néo-libérale, que ce soit dans le domaine de la marchandisation des corps, comme dans tous les domaines.
Le trafic humain vient d’être estimé à 32 milliards de dollars et la moitié de ses victimes sont des enfants. La plupart des pays réglementaristes sont dépassés par l’ampleur de la criminalité liée aux réseaux prostitueurs, ne parviennent plus à distinguer sur le terrain prostitution forcée ou non, et pensent, comme la Hollande ou l’Ecosse à faire machine arrière et pénaliser les clients acheteurs de sexe.

C’est bien le rôle de l’état de protéger les personnes les plus vulnérables, de veiller à ce que cessent les violences de toutes natures, y compris traumatiques, dont sont victimes les prostitué-e-s. Il est temps de penser à des alternatives crédibles à la prostitution et d’abolir le système prostitueur, que les prositué-e-s soient des femmes ou des hommes. Des hommes qui bien que gays, ont beaucoup de mal à appréhender le masculinisme du système patriarcal et l’oppression des femmes, premières et massivement victimes de la prostitution.

Le débat n’est pas là de finir, d’autant que la parole des prostitués gays est trustée par une poignée d’activistes non représentatifs qui nient la parole de tous ceux qui ne vont pas dans leur sens et dénoncent les violences de la prostitution. A quand des auditions, enquêtes et études sérieuses sur la grande masse des prostitués masculins ?

* La prostitution Trans. Transsexuels et transgenres n’est pas traitée.

http://www.humanityinaction.org/knowledgebase/369-just-business-the-unknown-world-of-male-prostitution-in-the-netherlands

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