De France-cul au festival littératures de Nantes, La Maison du dégoût, à l’honneur

Emma Becker a passé deux ans dans une Maison close en Allemagne puis a publié un livre. 

La Maison est une oeuvre littéraire, pas un essai. Un roman on aime ou pas. Ce qui est moins consensuel en revanche, c’est ce que cherche à nous dire Emma Becker sur les plateaux où elle est invitée.

Et pour être invitée, elle l’est puisque son roman a reçu le prix du roman des étudiants de France Culture-Télérama. Alors, des studios de France Culture, Emma Becker arrivera Nantes pour Atlantide, le festival annuel des littératures qui se tient au Lieu Unique.

Dans ce cadre, elle interviendra aussi dans une médiathèque de la ville. Au moment où la prostitution des étudiantes explose en France, je salue la politique de prévention de la ville de Nantes en matière de prévention de la prostitution !

Rappel : En France les maisons closes sont interdites depuis 1946 et la loi d’abolition de la prostitution a été votée le 7 avril 2016.

La loi d’abolition, pas de prohibition, dépénalise les personnes prostituées (abolition du délit de racolage) ; pénalise les clients qui par leur demande alimentent les réseaux, la traite, avec une amende et un stage avec les survivantes de la prostitution quand c’est possible ; propose un parcours de sortie de la prostitution ; encourage des actions de prévention/formation de professionnels et auprès des jeunes.

Les maisons closes dans les pays règlementaristes : En Allemagne, aux Pays Bas, en Espagne et dans tous les pays règlementaristes, les maisons closes sont prospères. Plus de cinq cent maisons closes rien qu’à Berlin. Ce juteux business est évalué en Allemagne à 17 milliards d’euros. 500 000 prostituées qui en Allemagne comme ailleurs sont essentiellement des migrantes du Nigéria venues avec des réseaux clandestins et d’Europe de l’EST. Du sexe à l’image de la pornographie, sans aucune limite. Des packages « all inclusive » avec petit déjeuner. Des établissements qui vont du bordel bas de gamme aux « palaces du sexe » étoilés, avec piscine, espaces VIP…

Le sexe au mains d’entrepreneurs ; on aurait pu penser que les Verts et les féministes dites « pro-sexe » notamment, promoteurs de la légalisation, auraient condamné ce capitalisme ultra-libéral, mais non.

La légalisation qui devrait garantir une meilleure sécurité aux prostituées, sécurise surtout proxénètes et trafiquants devenus de vaillants entrepreneurs. La dépénalisation du proxénétisme, fer de lance de l’écologie féministe des Verts ! Laver les couches à la main ou vendre des services sexuels à la chaîne, un destin pour les femmes. Feministgreenwashing hourra !

Avec la crise économique et la précarité qui touche plus durement les femmes, avec l’augmentation des réfugiées, en particulier des sans-papiers, le nombre de prostituées a explosé. Le crime organisé y a vite vu son intérêt, les bénéfices ne sont pas moindres que ceux d’autres trafics et les proxénètes sont blanchis par la législation.

A Berlin, la police sait que de peur de perdre leur place, les femmes répètent la même leçon : « Elles auraient rejoint le bordel de manière autonome, parce que c’est tellement avantageux pour elles d’y travailler ». En réalité, ce n’est pas le législateur mais bien le proxénète qui fait la loi. D’ailleurs en Allemagne, la législation de 2002 est allègrement contournée : 5 ans plus tard, seulement 1% des prostituées bénéficiaient d’un contrat de travail. La belle arnaque !

La maison close, enferme des femmes vulnérables et précaires pour que sur leur corps marchandisé soient commises les violences de l’intime. La légalisation,  c’est la bonne conscience de la société qui n’ignore pas les dommages physiques et psychologiques de la prostitution.

Dans les pays règlementaristes, des voix s’élèvent contre cette exploitation et violence faite aux femmes et des états aimeraient revenir en arrière, se demandant comment la prostitution est compatible avec l’égalité femmes-hommes. Comment grandissent des filles et des garçons qui apprennent très tôt qu’une fille peut être sexuellement mise sur le marché et qu’un garçon peut se la payer ? Comment ainsi concevoir le respect et l’égalité ?

Et Emma Becker dans tout ça : Emma Becker ne répondra à ces dernières questions. Elle a déjà dit ne pas vouloir « embellir la prostitution », ne pas avoir d’intention politique et juste vouloir « montrer les putes comme des ouvrières ».

Interviewée sur France Culture, elle a dit : 

  • « Les différences entre une pute et une femme, elles n’existent pas. » Je lui réponds : oui, le plus souvent les prostituées sont des femmes, mais les femmes ne sont pas toutes des prostituées, la société patriarcale ne le supporterait pas, la romance, le couple, la famille sont essentiels à son organisation, il lui faut juste un quota de femmes sacrifiées au mythe de l’irrépressible appétit sexuel masculin. 
  • « Les putes sont des ouvrières. » Je lui réponds : non, les ouvrières ne travaillent pas avec leur intimité, elles ont à leur disposition un code du travail, des formations, une carrière. Aucun enfant ne grandit en se rêvant prostitué.e et aucun parent ne le souhaite. Ce n’est ni une vocation, ni un métier, c’est juste la plus vieille arnaque patriarcale. Le terme « travailleur du sexe » est une imposture, un terme inventé par le lobby prostitueur.
  • « Le mot pute a été vidé de sa substance,  il n’est plus du tout employé dans son sens propre. Le terme de prostitué est passif et judéo-chrétien. » Je lui réponds : oui, il est passif car la prostitution n’est pas du sexe mais un viol tarifé. Personne n’est actif ne son propre viol et ne peut que le subir. Rien de judéo-chrétien la-dedans, au contraire, l’église n’était pas contre la prostitution qui garantissait bien hypocritement la paix des ménages. C’est plutôt une position moderne, émancipatrice et féministe de la condition des femmes. 
  • « J’aime que le mot pute claque et choque. » Je lui réponds : oui, provoquer et choquer pour finir par habituer et banaliser ; c’est une stratégie dévoyée. En fait, le mot pute ne choque personne, ce qui choque c’est l’exploitation et les violences intrinsèques de la prostitution.
  • « On fait la différence entre la prostitution le mauvais sexe et le sexe conjugal le sexe gratuit sensé être le sexe valable. » Je lui réponds : alors personne n’a de sexualité à moins d’être marié.e ou prostitué.e ? LOL. Comparer une sexualité entre époux à des rapports tarifés, consentis pour raisons économiques, est un vieil argument du lobby prostitueur ; seulement voilà, nous ne sommes plus au 19ème siècle, les femmes travaillent et sont économiquement indépendantes. Au fait, ça fonctionne aussi pour les couples de même sexe mariés ? LOL
  • « Ecrire la prostitution comme un rapport amoureux. » Je lui réponds : oui, surtout si la découverte de la sexualité ne s’est pas passée au mieux, en particulier si des violences sexuelles (attouchements, viols, inceste…) ont eu lieu dans l’enfance, alors c’est un peu la double peine. 
  • « Le concept de maison close implique certain nombre de clients par jour. Un ras le bol de l’homme du sexe et du désir qui s’installe rapidement et m’a rendue un peu malheureuse, triste.» Je lui réponds : tout de même un peu de lucidité et vérité. Emma Becker a délibérément fait le choix de cette expérience quand de nombreuses femmes y sont contraintes et n’en sortiront jamais ou tardivement, ou très abimées, voire détruites. Pour un client correct, combien d’hommes sales, pervers, violents, imposés ? Certaines femmes trafiquées sont dressées pour accepter cet esclavage. Dans tous les cas, les pénétrations à répétition, les insultes, humiliations, violences sur plusieurs années occasionnent des dégâts physiques et psychologiques irréversibles. Il suffit d’en parler avec les « Survivantes de la prostitution » auxquelles on ne déroule jamais le tapis rouge, pour s’en convaincre. Emma Becker avait les moyens d’en sortir, mais les autres ?

Rien de ce que dit Emma Becker n’est nouveau, nous avons entendu ces phrases des milliers de fois, dans la bouche de tous les acteurs du lobby proxénète avant le vote de la loi d’abolition.

D’ailleurs, sur son compte Twitter @noravanhoeck relaye abondamment les communication du STRASS obscur « syndicat des travailleurs du sexe » Un groupuscule aux pratiques douteuses, qui a violemment agressé les féministes abolitionnistes avant le vote de la loi d’abolition.

Jugez plutôt : https://sousleparapluierouge.wordpress.com/  (en anglais puis en français). Alors un roman peut-être mais aussi un engagement auprès du lobby prostitueur et notamment du STRASS qui dit préférer les indépendant.es aux maisons closes.

Conclusion :

Quoi qu’elle en dise, Emma Becker enjolive bien la prostitution et les maisons closes, en leur donnant un vernis romanesque. Elle se fait de l’argent et une notoriété sur ce qui n’aura été pour elle qu’une courte expérience. Indifférente au sort des femmes qui resteront enfermées dans la prostitution, elle est objectivement complice du système prostitueur.

Elle ne rend pas service aux jeunes qui en nombre, pour payer leurs études ou contraintes par les gangs des cités, tombent naïvement dans les filets de la violence de la prostitution. France-Culture/Télérama n’ont pas honte de lui avoir remis un prix. J’annule mon abonnement à Télérama. 

Que des supports et lieux culturels, radios publiques, évènements culturels, et même bibliothèques municipales déroulent le tapis rouge à Emma Becker, est symptomatique de l’appétence de ces milieux pour une prostitution fantasmée qui en réalité n’a rien de glamour. La prostitution n’est que la plus violente survivance de la domination masculine.

Pourtant, dans un pays abolitionniste et qui fait la promotion de l’égalité femmes-hommes, lors du festival Atlantide, au Lieu Unique à plusieurs occasions, notamment dans une rencontre intitulée cyniquement « Etre libre de corps pour être libre d’esprit » ( comme si aliéner son corps aux violences masculines était une liberté), comme dans une médiathèque, en présence d’adolescents et jeunes adultes un samedi après-midi, Emma Becker va pouvoir dérouler les arguments éculés des militants du STRASS et autres acteurs du lobby prostitueur.

Télérama, Livres à lire, France Culture, le Lieu Unique, la ville de Nantes, … se prêtent aux manoeuvres du lobby prostitueur qui malgré le vote de la loi d’abolition n’a pas désarmé, et c’est pitoyable, condamnable. 

Egalité femmes-hommes hein ? Ce n’est pas demain la veille.

Christine Le Doaré

P.S. : Emma Becker n’est en fin de compte pas venue à Nantes, semble t-il pour raison de santé

 

 

 Emission de France culture

https://twitter.com/franceculture/status/1229820371664359424?s=21

 

 

 

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1 Réponse to “De France-cul au festival littératures de Nantes, La Maison du dégoût, à l’honneur”


  1. 1 Agnès Rogliano (@AgnsRogliano) 10/03/2020 à 11:59

    Super article. Merci 🙂
    Juste un truc : « Laver les couches à la main », c’est tout à fait faisable par les mecs aussi… Ça ne pose donc aucun problème 😉


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