GPA, depuis quand l’Etat Français cède t-il au chantage par voie de circulaire ?

3263163Le discours d’introduction prononcé par Mme Taubira à l’occasion de la loi sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, est à classer parmi les plus inspirés des discours politiques de notre époque contemporaine.

Christiane Taubira a fait un sans faute et tous ceux qui hurlaient à l’erreur de casting il y a quelques mois de cela, en sont restés époustouflés, oubliant de s’excuser au passage. Mais, il faut bien le dire, la circulaire Taubira sur la GPA* gâche quelque peu le tableau.

S’il y a un sujet qui divise les personnes et associations LGBT, c’est bien celui de la GPA. L’inter-LGBT, fédération représentative, a d’ailleurs renoncé à prendre position en 2012 et à l’inscrire à son corpus revendicatif.

Précisons tout d’abord que la circulaire Taubira ne légalise pas la GPA en France ; elle prend des mesures pour régulariser à postériori, la situation des enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse, quand la ou les personnes qui se déclarent parent-e-s, sont françaises. Précisément, elle demande aux tribunaux de ne plus refuser de certificats de nationalité française pour les enfants nés de mères porteuses à l’étranger. Il est donc faux de dire que cette circulaire réglemente désormais la GPA sur le territoire français ; cependant, elle l’encourage à l’étranger en accordant systématiquement aux enfants, la nationalité française.

En effet, cette circulaire, qui tombe au plus mauvais moment, ouvre une brèche. Prendre une telle circulaire en plein débat sur l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, comme s’il n’y avait pas assez de confusion, de lesbophobie et d’homophobie, comme s’il fallait donner encore plus de grain à moudre aux opposants, relève au mieux d’une maladresse de communication au pire d’une provocation inutile. Surtout, cette circulaire prise à la va-vite et sans débats parlementaires, n’est pas si anodine qu’il y paraît à première vue et constitue à l’évidence un encouragement à engager des GPA à l’étranger, sachant que la situation des enfants sera ensuite facilement régularisée en France. Sans compter qu’elle a des effets certains sur le droit de la famille et de la nationalité. Il est toujours plus rassurant de savoir ces domaines de compétence entre les mains du Parlement. Le gouvernement a beau tempêter qu’il est opposé à la légalisation de la GPA sur notre territoire, l’encourager à l’étranger est tout de même paradoxal et même incohérent.

Bien entendu les enfants nés de GPA n’y sont pour rien et ne peuvent rester dans une situation juridique incertaine ni en matière de situation familiale, ni de nationalité. Néanmoins, on est en droit de se demander s’ils ne préféreraient pas choisir à l’âge adulte, la nationalité de leur mère porteuse, russe, indienne, américaine ou toute autre, ou encore bénéficier d’une double nationalité ? Mais surtout, la pratique des mères porteuses ou quelque soit le nom qu’on leur donne, est interdite en France et les parents qui initient une GPA savent pertinemment ce qu’ils risquent, (et ce quelle que soit leur orientation sexuelle et qu’ils soient célibataires ou en couple). Ils bafouent sciemment la loi française ; ils se rendent à l’étranger pour commander un enfant à leur convenance.

Dans certains pays, des entreprises proposent un choix sur catalogue, un peu comme dans un supermarché ; dans d’autres pays, des femmes sont forcées, conduites par leur mari dans des maisons de reproduction ou séquestrées par des réseaux criminels ; mais dans tous les cas, ces femmes sont réduites à la fonction biologique de reproductrice et le plus souvent exploitées pour satisfaire le besoin de se reproduire de riches occidentaux.

Une fois l’enfant né et la transaction opérée, le ou les parents déclarés sont confrontés à deux problèmes, l’enfant doit être reconnu comme étant le leur et il doit adopter leur nationalité. Depuis quelques années déjà, des parents, après avoir violé la loi Française, font pression sur le gouvernement pour régulariser la situation de leurs enfants ; il s’agit ni plus ni moins d’un odieux chantage. Bien entendu, tout le monde prend fait et cause pour ces enfants pris en otage et qui ne peuvent subir les conséquences des choix des adultes. Mais désormais, la voie est toute tracée, tous les candidats potentiels à la GPA vont s’engouffrer dans la brèche. Peu importe que cette pratique soit interdite chez nous, puisqu’il sera possible de régulariser à postériori.

En prenant cette circulaire, l’état Français encourage de facto le développement de la pratique de la GPA à l’étranger, il a confortablement déplacé le problème en dehors de ses frontières. S’il était vraiment contre la pratique, il aurait pu prendre une loi d’extraterritorialité comme pour le tourisme sexuel et continuer de régulariser par des décisions judiciaires la situation de quelques enfants.

La délivrance de papiers d’identité français aux enfants nés à l’étranger d’une GPA, est une question complexe qui n’aurait jamais dû être réglée par voie de circulaire. La situation des enfants mérite que l’on s’intéresse à la question, mais cet ordre donné aux tribunaux revient à développer le marché de la GPA à l’étranger en le nourrissant d’une demande française. On peut considérer que c’est une façon de se débarrasser du problème à bon compte, mais aussi de mettre les français devant le fait accompli d’une prochaine légalisation. Car en réalité, à gauche comme à droite, certains politiques veulent légaliser la GPA. C’est notamment le cas d’Alain Milon à l’UMP et de Michèle André au PS. Il est tout à fait possible de dresser un parallèle avec la question de la prostitution.

Un marché luxueux et confortable, réservé aux riches, voire très riches se développe dans des pays tels que la Belgique ou les USA par exemple. En parallèle, l’immense marché alimenté par la misère s’étend dans les pays émergents.

Dans tous les cas, il s’agit d’instrumentalisation du corps des femmes, et ce qu’il y ait ou non marchandisation. Le système patriarcal vise à s’approprier  à des fins sexuelles et reproductives les corps des femmes. La GPA comme la prostitution sont des moyens d’organiser cette appropriation et d’empêcher une totale libération des femmes.

L’ouverture du mariage, aux couples de même sexe, c’est oui ; l’accès à la PMA pour les femmes seules ou en couple, c’est oui ; mais la GPA, c’est non, car les femmes ne sont pas des ventres ni à prendre, ni à louer, ni à vendre. La régularisation des enfants nés d’une GPA, est à étudier, non pas par considération pour ces parents de « l’enfant à tout prix », ces parents capricieux, produits d’une société de consommation à l’individualisme exacerbé, mais par respect des droits de l’enfant.  La quarantaine d’enfants concernés à eux seuls méritent que l’on s’intéresse à la question, mais cet ordre donné aux tribunaux revient qu’on le veuille ou non à développer le marché mondial de la GPA en validant en droit Français les effets juridiques d’une GPA pourtant interdite chez nous.

Il devrait pourtant y avoir des limites éthiques au pragmatisme politique !

Christine Le Doaré

*GPA : Gestation pour autrui / mères porteuses

ASYMETRIE REPRODUCTIVE ET GESTATION POUR AUTRUI (GPA)

12 Réponses to “GPA, depuis quand l’Etat Français cède t-il au chantage par voie de circulaire ?”


  1. 1 Nina Stephanopoli 01/02/2013 à 13:36

    Votre article est excellent, clair, synthétique, et pose les bonnes questions. Un seul désaccord pour moi: je ne crois pas du tout que l’humanité toute entière ait compris les manœuvres du patriarcat, et je vois même au contraire qu’une majorité de femmes, même et surtout éduquées, vivent dans l’ignorance la plus totale de la réalité concernant la marchandisation des femmes (prostitution, GPA), la gravité et la fréquence de la violence conjugale, et la main-mise sur les droits des femmes…

  2. 2 Brigitte Marquet 01/02/2013 à 17:19

    Exact, Nina ! Il semblerait que les personnes « éduquées-cultivées » – pas seulement des femmes – soient dans l’ignorance de ce que vivent ou auront à vivre des mères porteuses payées, indiennes, ukrainiennes, etc. Dominique Bertinotti l’a bien dit « nous sommes avant tout des « êtres culturels ». La tendance est à l’effacement des liens charnels, au gommage de notre vie » animale ». On nous rabat les oreilles avec la capacité d’aimer des homosexuels, on en rajoute ! Sous ce vernis culturel hygiéniste quasi asexué se profile, selon moi, un eugénisme latent : que feront des couples homosexuels ayant acheté un bébé si celui-ci naît trisomique ??? On veut se passer de cette puissance des femmes jalousée depuis des siècles par les hommes : la faculté de porter un enfant ? Mais on veut bien encore à nouveau les engrosser à répétition et cette fois en les payant. il y aura forcément du dumping dans ces marchés odieux. de la VIE ! Et il y aura de la luttte des classes entre les bébés !!! Par ailleurs, pourquoi ne parle-ton pas du droit d’un bébé à être allaité ? Cela aussi, on « gomme  » ? Merci, Monsieur Bertrand Delanoë d ‘avoir enfin pris la parole pour exprimer votre horreur de la GPA. Droits des femmes et droits des enfants à re-considérer, SVP.

  3. 3 Mélusine Ciredutemps 02/02/2013 à 00:41

    « Par ailleurs, pourquoi ne parle-ton pas du droit d’un bébé à être allaité ? Cela aussi, on « gomme » ?  »
    Je suis entièrement d’accord avec vous. Le féminisme et la lutte contre l’homophobie n’ont pas à être mis en concurrence avec les droits des enfants. D’ailleurs, généralement les féministes intègrent aussi dans leurs luttes et leurs analyses le combat contre la pédocriminalité et pour une réelle prise en compte des enfants en tant que personnes. Les enfants ne devraient pas être traité-e-s et considéré-e-s comme des choses appartenant aux adultes. L’exercice de l’autorité parentale ne devrait pas ressembler à celui de la propriété privée. Il y a énormément à dire et à faire là-dessus.

    A ce propos :

    http://crimecontrelhumanite.com/

    Je vous rejoint aussi sur la question de l’allaitement. Les connaissances scientifiques actuelles démontrent clairement que c’est mieux pour la santé de l’enfant et de la mère. Tous les organismes de santé publiques, à commencer par l’OMS, ainsi que les services de « protection » de l’enfance et les pédiatres le reconnaissent et recommandent de favoriser l’allaitement maternel y compris pour les repas de milieu de journée, jusqu’aux 12 mois de l’enfant. Pourtant, rien n’est fait dans notre système pour aller dans ce sens. La plupart des mères n’ont, en réalité, pas le choix car la durée du congé maternité est beaucoup trop court. De plus pour accéder au congé parental il faut avoir la chance d’avoir eu précédemment un emploi à plein temps durant deux ans sans discontinuité. Par conséquent les mères ayant subi la précarité durant cette période sont privée de ce droit.
    Mais voilà, l’allaitement maternel est entièrement gratuit : pas besoin de lait artificiel, de biberon, de stérilisateur, d’eau minérale, etc… Il suffit que la mère mange à sa faim et boivent beaucoup d’eau. Alors si les mères avaient réellement le choix d’allaiter leurs bébés cela dérangerait sans doute ceux qui profitent du marché du lait artificiel et de tous ses accessoires…
    De plus, les enfants uniques subissent une véritable discrimination concernant les dispositifs d’aide aux familles. Le congé parental (si l’un-e de ses parents peut en bénéficier) n’est que de 6 mois pour un premier enfant contre 1 an renouvelables pour les suivants (s’il y en a). Les enfants uniques n’ont pas droit aux allocations familiales. Donc du point de vu de l’État, un enfant unique dont le(s) parent(s) est/sont pauvre(s), a moins besoin d’aide financière qu’un enfant issu d’une fratrie et dont le(s) parent(s) est/sont riche(s). Il me semble qu’on nous là incite à faire plus d’enfant que nous le désirons… Alors que la population humaine mondiale s’accroit de façon inquiétante au regard des problèmes écologiques.

  4. 4 yves bonnardel 03/02/2013 à 07:36

    Pour info, il vient de paraître un article éclairant sur le nouveau marché de la GPA :

    http://www.lepoint.fr/monde/en-inde-les-derives-de-la-gestation-pour-autrui-01-02-2013-1622779_24.php

  5. 5 Coste 06/02/2013 à 16:34

    Recherche d’information:
    Une question me taraude depuis la « circulaire Taubira » rappelant aux juges d’accorder la nationalité française aux enfants nés d’un parent français, y compris dans le cadre d’une GPA. Ce rappel à la loi ne me semble pas contestable sur le fond. En revanche, qu’il ne soit pas rappeler dans un même temps que la GPA fait l’objet d’une condamnation en France et qu’aucune mesure ne soit envisagée en France pour une condamnation de cette pratique à l’étranger, cela me semble plus que regrettable. Pourquoi une loi d’extraterritorialité n’est-elle pas envisagée ou proposée? (une loi d’extraterritorialité condamne le tourisme sexuel). Est-ce que le droit français ne permet pas de légiférer sur les GPA à l’étranger? Si rien ne l’empêche, pourquoi le gouvernement n’ouvre t-il pas une réflexion sur de telles mesures?

  6. 6 Christine Le Doaré 06/02/2013 à 23:14

    oui, je suis d’accord avec vous, un rappel à la loi car en France, on peut être français par :

    – Le « droit du sang » : enfant dont l’un des parents au moins est français au moment de sa naissance.

    – Le droit du sol : enfant né en France dont l’un des parents y est lui-même né. Le droit du sol en France est relatif, c’est-à-dire que la simple naissance en France ne vaut pas attribution de la nationalité française pour l’enfant né de parents étrangers ou inconnus

    – Naturalisation

    – Mariage
    .
    Par conséquent, un enfant né n’importe où, d’un père français (et par GPA, ou de toute autre façon…) est français !

    Cette circulaire ne sert en réalité à rien, sauf à demander aux tribunaux de ne pas se poser de question et de systématiser sans tarder… et puis surtout à ouvrir une porte et encourager la GPA, nous préparer à sa réglementation en F …

  7. 7 Brigitte Marquet 07/02/2013 à 00:00

    Le moment est donc venu de nous interroger 1°) sur le SILENCE des féministes, fussent-elles lesbiennes ou non, 2°) ce silence est-il réel ou bien est il orchestré par les médias ?

  8. 8 Christine Le Doaré 07/02/2013 à 12:01

    ?! quel silence des féministes ?! Il existe un scoop-it bien documenté de nombreuses réactions, et une pétition inter-associative !
    je complèterai avec les liens mais avec une rapide requête Internet, vous disposeriez de ces informations

  9. 9 Coste 07/02/2013 à 12:10

    Et la réglementer et l’encadrer en France ne réglera rien. Au regard du nombre très restreint des dons d’ovocyte en France (et des départs à l’étranger que cela génère), le nombre de femmes disposées à se proposer pour une GPA sera quasi nul. En outre, si l’on part du principe que la GPA nécessite un don d’ovocyte et une « gestatrice » – le terme fait froid dans le dos … -(contrairement à la Maternité pour Autrui qui ne nécessite qu’une « gestatrice » puisque la fécondation se fait avec les ovocytes de la femme qui porte l’enfant), la difficulté redoublera. À moins que l’on envisage de revenir sur la gratuité des dons et sur les principes bioéthiques que cela sous-tend … Mais je doute que la France revienne un jour sur ces principes. Faute de « gestatrices » potentielles (enfin on peut s’imaginer le recours par exemple à des femmes d’europe de l’est pour combler la « pénurie ») et en réponse à la régularisation en France des GPA effectuées à l’étranger, les départs à l’étranger se trouveront démultiplier. Face à cela, j’ai du mal à comprendre pourquoi on fait ce choix là en France et pourquoi on ne réfléchit pas plutôt à une loi d’extraterritorialité, d’autant que les opposants à cette pratique sont tout de même nombreux (à gauche comme à droite).

  10. 10 Brigitte Marquet 07/02/2013 à 14:36

    Réponse à Christine le Doaré :
    Permettez-moi en effet de préciser que je suis extrêmement étonnée de ce que l’on nous donne à voir et entendre
    1°) dans les médias où les « antis » sont amalgamés comme étant des cathos intégristes, des homophobes, des réacs frileux, des vilains de l’opposition, sentant la naphtaline (sic!), cherchant surtout une filiation pour leur patrimoine et patronyme. Dénonçons d’abord ce qui a induit en erreur dès le départ : que l’on parle de mariage pour tous et jamais de l’adoption d’enfants, tout au moins au début…
    2°) au cours de débats où l’on n’entend jamais d’homosexuels se prononcer contre la PMA, à fortiori la GPA et d’une manière générale contre la marchandisation des corps, contre l’exploitation des femmes vendant leurs ventres pour de l’argent (ce en quoi elles – ou les maris qui les contraignent – « profitent  » de l’argent de riches, capricieux et égoïstes homosexuels).
    3°) dans les médias classiques, radio, télé, on n’entend pas non plus les défenseurs des droits des enfants, on fait semblant d’inviter Christian Flavigny mais on le fait contrecarrer par Serge Héfez, par exemple… On parle très rarement de la dérive eugéniste qui se profile à l’horizon…
    Voilà ce que je tenais à préciser. Bien entendu, vous avez raison de dire qu’il existe des blogs, des forums, quelques pétitions mais je déplore vivement ne pas avoir lu davantage de commentaires dans la presse écrite, vu et entendu dans les journaux télévisés davantage de femmes, homosexuelles ou non, se prononcer contre la PMA et la GPA, contre la marchandisation de TOUTE VIE et l’exploitation de TOUT ETRE.
    Il semblerait que nous nous soyons habitués, toutes et tous, à parler entre nous et non à tenter de communiquer avec celles et ceux qui ne font pas partie de notre « communauté », qui ne sont pas du même avis. J’affirme que nous sommes devenus peureux. La preuve : dès que quelqu’un(e) émet un avis différent, on taxe souvent cette personne d' »agressive ».
    De toute façon, il est trop tard, la loi est passée pour la PMA, elle passera bientôt pour la GPA.
    Nous pourrons toujours banaliser les pratiques qui s’ensuivront… Les Lebensborn n’avaient à l’époque soulevé aucune indignation…
    Je suis très pessimiste, extrêmement choquée par l’égoïsme dominant.
    BM

  11. 11 Christine Le Doaré 11/02/2013 à 12:08

    Je ne comprends pas pourquoi vous amalgamez PMA et GPA ; en outre la loi sur la PMA n’est pas du tout passée !


  1. 1 Revue hebdo du vendredi : vigilance… « A dire d'elles Rétrolien sur 01/02/2013 à 08:30

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