Elisabeth Badinter et Irène Théry cautions intellectuelles du système patriarcal ?

feminist picture 3Elisabeth Badinter et Irène Théry défendent avec constance la réglementation de la gestation pour autrui (GPA) et Elisabeth Badinter, également la réglementation de la prostitution. Au nom du libre choix, afin de canaliser les trafics et affirment-elles, parce qu’il ne s’agit pas de marchandisation du corps humain.

Le discours est séduisant, les deux intellectuelles bénéficient d’un crédit d’opinion plutôt favorable à gauche et auprès des féministes.

La question du libre choix rapportée au corps humain est complexe, en réalité, personne ne dispose d’une totale liberté de choix. Suis-je libre de me promener nue dans la rue, de vendre partie de mes organes ou morceaux de corps sur le marché ? Bien sur que non, ni moi ni personne ! L’intégrité du corps humain est heureusement garantie par les textes fondamentaux, afin de défendre, pour des motifs d’ordre sociaux, économiques et psychiques, les plus vulnérables, qui ne peuvent organiser seuls l’aliénation de leurs corps, en tous cas pas pour l’imposer au reste de la société.
Un projet de société ne se construit pas sur une demande minoritaire. Le libre choix des précaires et des fragiles, on voit tout de suite où ça pourrait nous mener ; pourtant, de nos jours plus que jamais, dans un immense délitement du collectif, les grands bourgeois comme l’institution universitaire ne sont guère préoccupés par de tels risques, au contraire, ils les encouragent, s’en font les complices ; ils expérimentent.

Un peu partout dans le monde, les trafics criminels du sexe et de la GPA sont puissants, les réseaux de plus en plus structurés et audacieux. Réglementer une activité aux prises avec le trafic peut sembler être une bonne idée, mais c’est en réalité une démission. La seule garantie efficace de contrôle consiste à lutter contre l’activité génératrice de trafics, en se donnant des moyens d’ampleur, à tous les niveaux, national, européen comme international.
Il faut endiguer mondialement les marchés criminels du sexe comme celui des « mères porteuses », plutôt que de réglementer chez nous et de laisser ces marchés proliférer ailleurs. Tous les pays qui ont réglementé la prostitution par exemple, en font l’expérience aujourd’hui, il leur est impossible sur le terrain de différentier les prostitutions libre et contrainte. L’une nourrit l’autre et l’argent conforte le système. Réglementer en France le marché de la GPA, n’empêchera en rien les trafics à l’étranger, à fortiori si cette réglementation est chez nous un minimum contraignante.

Selon mesdames Théry et Badinter, il ne s’agirait pas de marchandisation des corps. Pourtant, la prostitution, du point de vue de la personne prostituée, a pour unique finalité l’argent qu’elle reçoit pour survivre. Elle ne vend pas sa force de travail intellectuelle ni physique, mais bien son intimité, aux pris de lourds dommages psychologiques et physiques.
Admettons que pour la GPA, il en soit différent et que l’acte soit totalement gratuit, (ce qui ne sera jamais le cas, ne serait-ce que parce que les soins, traitements éventuels et qualité de vie nécessaires à la grossesse génèrent des frais qu’il faudra prendre en charge), nous avons peut-être évacué la question de la marchandisation du corps, mais pas celle de l’appropriation du corps des femmes.
L’éternel féminin, l’altruisme « héréditaire » qui consiste à donner lourdement de soi, doit-il être encouragé dans une perspective d’égalité entre les femmes et les hommes ? La question de l’égocentrisme de la domination masculine, celle du besoin consumériste de tout posséder, envers et contre tout, celle de la médecine commerciale et de ses lobbies, ont-elles été soigneusement pesées ?

En somme, que préconisent d’autre nos intellectuelles que la sempiternelle mise à disposition du corps des femmes ? En tous cas, le système patriarcal peut les remercier : la GPA c’est la garantie de transmission des gênes et du capital financier pour tous, la prostitution c’est pour beaucoup d’hommes, consommer du sexe sans se fatiguer à nouer des relations égalitaires.

Christine Le Doaré

ASYMETRIE REPRODUCTIVE ET GESTATION POUR AUTRUI (GPA)

Au fond, qui estime vraiment les personnes prostitué-e-s ?

Correctif : Précision, sur la seule question de la prostitution, Irène Thery n’a toutefois pas pris position en faveur de la réglementation

18 Réponses to “Elisabeth Badinter et Irène Théry cautions intellectuelles du système patriarcal ?”


  1. 1 Alice 20/12/2012 à 17:12

    Françoise Héritier fait le postulat que la domination masculine est fondée sur ce que les hommes ont perçu comme le « privilège exorbitant d’enfanter » détenu par les femmes. Tout le patriarcat découlerait de la volonté d’appropriation des corps des femmes par les hommes à des fins reproductives et sexuelles.
    Ce qui se joue aujourd’hui avec la GPA n’est rien d’autre que ça, avec même des arguments délirants du type « les femmes ont le privilège d’enfanter, c’est injuste, il faut corriger cette injustice en mettant à disposition des femmes pour les hommes ».
    Tenons bons !

  2. 2 Marion 21/12/2012 à 15:44

    C’est tout à fait ça Alice…
    Je rajouterais: Les pro-GPA affirment que si les lesbiennes ont la PMA il faut instaurer la GPA, pour une question d’égalité: à leurs yeux, l’égalité des femmes lesbiennes ne se situerait donc pas au niveau des femmes hétéro, mais au niveau des HOMMES HOMOSEXUELS. Cet argument a d’ailleurs été en premier lieu émis par Boutin, face à Caroline Fourest: « vous parlez d’égalité pour tous, mais dans ce cas, si les hommes n’ont pas la GPA et que les femmes ont la PMA, il n’y aura pas d’égalité! ». Si les gays ne peuvent pas accéder au corps des femmes à volonté, alors les lesbiennes ne devraient pas avoir plus de possibilités qu’eux -même si elles sont biologiquement aussi bien dotées que les hétéros.
    Ce raisonnement est terrible. J’espère que cette fois les femmes refuseront de se faire avoir.

  3. 3 camillecontreras 30/12/2012 à 02:30

    Bonjour,

    Récemment un de mes amis m’a parlé de l’ouvrage « La distinction de sexe, une nouvelle approche de l’égalité » d’Irène Théry. Le connaissez-vous ? Si oui, vaut-il la peine d’être lu ? Je pose la question car au vu de ce que vous exposez dans votre texte, cela ne s’annonce pas très bien.

    Merci d’avance et à bientôt,
    Camille.

  4. 4 Christine Le Doaré 02/01/2013 à 21:24

    désolée, je ne l’ai pas lu…

  5. 5 Peggy Sastre 04/01/2013 à 00:56

    je n’ai pas d’avis sur théry ou badinter en particulier, mais il faudrait peut-être arrêter avec ce mythe des « réseaux » des mères porteuses profiteurs de toute la misère du monde, des fermes à bébés et autres historiettes qui font trembler dans les chaumières
    les bourgeois, comme vous dites, qui ont aujourd’hui recours à la GPA ont besoin de certaines garanties que des conditions miséreuses ne peuvent pas leur apporter (à commencer par l’assurance que les gènes du bébé sont les bons, vu que dans la majorité des GPA se pratique avec sperme voire embryons connus)
    ce qui fait que le premier pays « producteur » de GPA, ce sont les Etats-Unis – un contexte peut-être dérégulé par rapport à la France, mais loin de l’Inde ou des favelas…

  6. 6 Christine Le Doaré 04/01/2013 à 22:38

    La GPA se pratique bien en Inde et dans de nombreux autres pays dont les USA en effet et ceci ne change rien sur le fond. Les contextes et organisations sont certes différents mais pas tant les motivations. Cette pratique relève bien de l’appropriation du corps des femmes pour une maîtrise de la reproduction, l’un des principaux objectifs du patriarcat. Il faut bien s’assurer de la disponibilité des femmes afin de transmettre, gènes, héritages et pouvoirs… Je n’ai pas le temps de développer et je vous conseille la lecture des intéressants articles de ce nouveau scoop-it, le contenu est édifiant, bonne lecture. http://www.scoop.it/t/prostitution-uterine-dite-gpa-french-and-english

  7. 7 gilles 06/01/2013 à 22:25

    « La seule garantie efficace de contrôle consiste à lutter contre l’activité génératrice de trafics, en se donnant des moyens d’ampleur, à tous les niveaux, national, européen comme international. » Vous connaissez un cas efficace, un seul cas ou la prohibition est réellement couronné de succès ? les drogues, les armes, le tabac, l’alcool …

  8. 8 Christine Le Doaré 07/01/2013 à 21:28

    non ! et ? on ne lutte plus contre rien ? on laisse tout faire ? le crime a toujours existé, il est interdit à priori, mais comme il y a des crimes de commis, on ne l’interdit plus ? quelle logique étonnante !

  9. 9 Lilasaule 16/01/2013 à 18:27

    Ne mettons pas sur le même plan GPA et prostitution. Vous mélangez tout.
    Attaquer ainsi E Badinter et I Thery me laisse sans voix. « Caution du patriarcat »… Je rêve ! Je vous rappelle que E Badinter a démoli l’idée de l’instinct maternel dès la fin des années 70. Je ne partage pas ses vues sur la prostitution mais je ne la vois pas en caution du patriarcat…

  10. 10 Blune 17/01/2013 à 10:51

    Bonjour,
    Je partage un grand nombre de vos points de vue, notamment sur la prostitution. Ce que je ne comprends pas dans votre refus de la GPA c’est le refus de cette pratique sous toutes ses formes. Une GPA sans contrepartie financière autre que les frais clairement entraînés par la grossesse fait par principe tomber l’argument de marchandisation du corps de la femme puisqu’il ne s’agirait pas d’une transaction financière mais d’un don. Je suis horrifiée lorsque je vois la situation actuelle où des femmes de pays pauvres louent leurs ventres et je pense qu’il faut lutter contre ces réseaux. J’entends votre argument concernant la mise à disposition du corps des femmes et d’une éventuelle culpabilisation des femmes avec l’argument de « privilège d’enfanter » mais d’un autre côté oui, nous avons cette capacité biologique qui est bien souvent une malédiction plus qu’un privilège. Doit on interdire à des femmes qui souhaitent mettre au monde un enfant pour qu’un autre couple l’élève de le faire, si cela se fait gratuitement ? Au nom de quel principe ? Le fait d’accoucher ne fait pas d’une femme une mère. De la même manière, il n’y a pas de pulsions sexuelles particulières masculines qui devraient justifier la prostitution. Je suis parfaitement d’accord avec le fait que la PMA et la GPA ne sont pas la même chose, l’un ne découle pas de l’autre et cela n’implique pas les mêmes enjeux. Mais je pense néanmoins qu’il faut se poser des questions et ces questions se poseront à nous d’elles même car, nous savons pertinemment que pratiquement aucun couple d’hommes ne pourra accéder à l’adoption, même si la loi passe.

  11. 11 Christine Le Doaré 17/01/2013 à 11:48

    Dans une société féministe, je serais probablement d’accord avec ce que vous dites, mais nous en sommes loin, je n’ai aucune confiance et je sais que des femmes seraient plus ou moins subtilement exploitées et renforcêes dans leur fonction reproductive si nous légalisions la GPA, mon analyse ne se situe pas sur le seul plan économique ;

  12. 12 Christine Le Doaré 17/01/2013 à 11:56

    vous êtes qui pour imposer ainsi vos vues ? c’est mon avis et il est amplement partagé ! Ces deux sujets relèvent bien de l’appropriation du corps des femmes, pour les mettre au service des hommes, ne vous en déplaise ! Mme Badinter est une grande bourgeoise, Publicis… et sans tout son argent je doute qu’on lui aurait autant déroulé le tapis rouge car ses positions sont inégales et pas trés cohérentes, le pire comme le meilleur, mais ces derniers temps, c’est de pire en pire, prostitution, GPA, oui une belle caution du patriarcat !

  13. 13 Abd Salam 14/09/2013 à 11:53

    Il faudrait qu’il y ait une véritable volonté politique de lutter contre les traffics, sans cette volonté politique (donc des gouvernants), les policiers luttent contre des réseaux organisés avec des moyens prévus pour rembarrer des simples citoyens un peu agités !
    Nous n’avons pas encore essayer de lutter contre les traffics, le jour où un pays le fera vraiment, là on pourra juger et se dire si ça marche ou pas.

    Je rajoute qu’il est fort probable que pour lutter vraiment et efficacement contre des réseaux de traffiquants, il faut que les Etats agissent de concert…

    Bref, la question est : vous connaissez un seul cas réel de lutte véritable contre les traffics ?
    Ou vous connaissez juste la poudre aux yeux pour se donner une bonne image vis à vis de l’électorat, et tenter de dissuader les moins audacieux de ne pas respecter la loi eux aussi ?

  14. 14 Crab2 Crab 25/11/2013 à 10:58

    Prostitution

    [ Je fais mien ce point de vue :  » L’État n’a pas à légiférer sur l’activité sexuelle des individus  » – Crab ]

    Sur cette page, je reproduis une interviewe d’Élisabeth Badinter publiée dans  » Le Monde  » :
    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2013/11/prostitution.html

  15. 15 Christine Le Doaré 25/11/2013 à 12:10

    Sauf que la prostitution n’est en rien de la sexualité mais une archaïque expression de la domination masculine, violences sexuelles et domination, contrôle du corps des femmes, un point c’est tout ! Et moi je fais mien cette excellente réponse de militants des Droits Humains, eux, Mme Badinter n’est que la digne représentante du capitalisme, première actionnaire de Publicis, elle cautionne toutes les publicités odieusement sexistes, féministe ? allons-donc ! http://leplus.nouvelobs.com/contribution/974129-elisabeth-badinter-et-la-prostituion-il-n-y-a-pas-de-droit-a-profiter-du-corps-d-autrui.html

  16. 17 Nina Stephanopoli 03/12/2014 à 17:13

    Très bel article, et cela fait du bien de voir ces intellectuelles enfin qualifiées de soutiens du patriarcat, cela fait un moment que j’en suis persuadée, surtout en ce qui concerne Elisabeth Badinter (j’avoue moins connaître irène Théry). J’ajouterais que, concernant la GPA, il faudrait débattre également des dangers que cela représente pour les enfants à naître :rupture immédiate, abrupte et programmée d’avec leur univers sensoriel premier, à savoir le corps (et donc le psychisme) de leur mère. Je me dispute souvent avec d’autres féministes sur ce sujet, mais je ne vois pas comment en tant que féministe, on peut passer à côté des droits des enfants. Après tout, une moitié d’entre ces enfants sont des femmes à venir, et imaginer que des féministes participent à créer de la souffrance pour d’autres femmes, c’est pénible. Je ne suis bien sûr pas contre l’adoption, mais l’adoption est une réparation d’une rupture qui s’est déjà faite, pour une raison ou pour une autre. La GPA est une programmation de cette rupture, de la façon la plus cynique possible…


  1. 1 Revue de presse d’indispensables « A dire d'elles Rétrolien sur 20/12/2012 à 20:23

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